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Documentation

ECRE | Application du règlement Dublin III en 2019 et durant le COVID-19

La Suisse et l’Allemagne ont continué à transférer des personnes en vertu du règlement Dublin III pendant le pic de pandémie du Coronavirus en Europe. Cette information est issue du rapport d’ECRE sur la mise en œuvre du règlement Dublin III. Il montre que les règles de l’Union européenne en matière d’attribution des responsabilités ne fonctionnent pas dans la pratique, ce qui entraîne des procédures inutiles, longues et coûteuses tant pour les autorités chargées de l’asile que pour les demandeurs de protection internationale qui sont laissés dans un état d’incertitude prolongé, sont confrontés à des normes réduites et risquent de subir des violations des droits de l’homme.

Le European Council on Refugees and Exilees (ECRE) a publié le rapport The implementation of the Dublin III Regulation in 2019 and during COVID-19 le 26 août 2020. Le rapport complet en anglais peut-être téléchargé en pdf ici ou sur le site d’ECRE. Nous reproduisons ci-dessous la traduction de son communiqué:

Le rapport de ECRE sur la mise en œuvre du règlement Dublin III en 2019 et au cours du premier semestre 2020 montre que les règles de l’Union européenne en matière d’attribution des responsabilités ne fonctionnent pas dans la pratique, ce qui entraîne des procédures inutiles, longues et coûteuses tant pour les autorités chargées de l’asile que pour les demandeurs de protection internationale qui sont laissés dans un état d’incertitude prolongé, sont confrontés à des normes réduites et risquent de subir des violations des droits de l’homme.

[caption id="attachment_60150" align="aligncenter" width="431"] L’image ci-dessous montre que la Suisse a été bien isolée dans sa pratique de maintient des transferts Dublin durant le COVID-19. Source: ECRE[/caption]

Basé sur les pratiques actuelles, la jurisprudence et les statistiques actualisées de 29 pays européens, ce rapport donne un aperçu des développements relatifs à l’application du règlement Dublin III. Il indique que près d’un demandeur d’asile sur trois est soumis à une procédure Dublin dans des pays qui ont accueilli un nombre important de demandeurs en 2019, comme l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse. Pourtant, le nombre de personnes effectivement transférées reste faible. Plus de la moitié des pays couverts par le rapport ont un taux de transfert inférieur à 30 %. En Belgique, moins d’une personne sur dix soumise à la procédure de Dublin est transférée vers un autre pays européen dans la pratique. Les raisons en sont diverses, telles que les obstacles administratifs et les retards, les obstacles pratiques résultant de risques pour la santé et la sécurité, et l’application incorrecte des critères de Dublin. De nombreux États membres continuent de déclencher des demandes pour cause d’entrée irrégulière et d’adresser des demandes de « reprise en charge » à des pays dont la capacité d’accueil est faible ou insuffisante et dont le système d’asile est sous pression, ce qui rend le transfert impossible. Dans le même temps, le nombre de cas dans lesquels les pays deviennent responsables par défaut en raison du non-respect du délai de transfert de 6 mois a continué à augmenter de manière significative, atteignant au moins 14 000 cas en 2019 – bien plus que les 2 000 cas enregistrés en 2015.

Malgré leur potentiel, l’application des critères hiérarchiques du règlement de Dublin – et en particulier les critères de regroupement familial – ainsi que l’application des clauses discrétionnaires restent décevant. Dans au moins 13 pays, la part des demandes de regroupement familial sur le total des demandes Dublin sortantes représentait moins de 1%, alors que l’utilisation de clauses discrétionnaires n’est pas du tout appliquée ou ne l’est que dans des cas exceptionnels dans plusieurs autres pays.

En termes de garanties procédurales, la pratique montre des divergences importantes d’un pays à l’autre, particulièrement perceptibles au stade du recours, par exemple en ce qui concerne les délais de recours, les effets suspensifs et l’accès à l’assistance juridique. Les tribunaux nationaux ont continué à fournir des orientations sur des cas individuels à cet égard ainsi que sur l’obligation des pays d’envoi d’obtenir des garanties pour assurer la légalité des transferts de Dublin conformément aux normes de l’UE et à la Convention européenne des droits de l’homme. Néanmoins, les demandeurs continuent d’être transférés vers des pays où les dysfonctionnements du système d’asile et les normes réduites pour les rapatriés de Dublin sont largement documentés. Pour la première fois ces dernières années, en 2019 et 2020, deux personnes ont été transférées d’Autriche vers la Hongrie.

Au cours du premier semestre 2020, le système Dublin a encore été mis à l’épreuve suite à l’apparition de la COVID-19. Les mesures d’urgence et de confinement ont affecté la mise en œuvre des transferts Dublin, les États membres ayant fermé leurs frontières et réduit les voyages et le trafic aérien. Néanmoins, des pays tels que l’Allemagne et la Suisse ont continué à transférer des personnes malgré les risques sanitaires, bien qu’en nombre réduit. Les autorités allemandes ont en outre annoncé la suspension du délai pour effectuer les transferts, notamment afin d’éviter une situation où la responsabilité leur reviendrait, une mesure tronquée qui a été rejetée par les tribunaux nationaux et réfutée par les directives de la Commission européenne d’avril 2020. Pourtant, cela montre que, même en période de pandémie mondiale, les États membres continuent d’opter pour des choix politiques qui visent à tout sauf à assumer la responsabilité des personnes demandant une protection internationale.