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Documentation

Grand Conseil (NE) | Traitement égalitaire de toutes les personnes en exil

Crédit photo: Markus Spiske, unsplash

« Aucune vie ne vaut plus qu’une autre. Chaque réfugié.e qui foule le sol de notre pays doit être pris en charge, avec dignité et de manière égalitaire. Qu’importe sa provenance, sa couleur de peau ou son orientation sexuelle. Un conflit reste un conflit. Une souffrance reste une souffrance et qui peut mieux en témoigner que celui ou celle qui la vit ? »

Garance La Fata, 30 mars 2022, séance du Grand Conseil neuchâtelois

Le 30 mars, le Grand Conseil neuchâtelois s’est prononcé en faveur d’une recommandation appelant à un accueil large dans le canton de Neuchâtel des personnes fuyant l’Ukraine. Il a également accepté par 52 voix contre 40 l’amendement du Parti socialiste (PS) qui demande que cette ouverture soit également offerte aux personnes fuyant des zones de conflit ailleurs dans le monde. Nous relayons-ci dessous l’intervention de la députée socialiste Garance La Fata (vidéo et texte) qui, tout en saluant l’accueil fait aux Ukrainien∙nes, dénonce le traitement différencié réservé aux autres et la hiérarchisation des vies sur laquelle il repose.

Intervention de Garance La Fata, amendement à la recommandation 22.130, mercredi 30 mars 2022.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les député∙es,

Personne ne quitte sa maison
À moins d’habiter dans la gueule d’un requin.
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Le feu sous les pieds

Le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brulantes de la lame
Contre ton cou.
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon.


Ces mots sont extraits d’un poème de 2009 [1]Home, le poème de Warsan Shire en version originale, écrit par Warsan Shire, poétesse et écrivaine, née au Kenya de parents somaliens et arrivée à Londres à l’âge d’une année. À travers ce texte, ce sont tous les parcours migratoires que l’on peut se représenter. Ceux d’hier et d’aujourd’hui. Ceux du continent européen, du continent africain ou d’Asie. Aucune vie ne vaut plus qu’une autre. Chaque réfugié.e qui foule le sol de notre pays doit être pris en charge, avec dignité et de manière égalitaire. Qu’importe sa provenance, sa couleur de peau ou son orientation sexuelle. Un conflit reste un conflit. Une souffrance reste une souffrance et qui peut mieux en témoigner que celui ou celle qui la vit ?

Je salue et remercie les citoyens et citoyennes ainsi que les autorités qui se mobilisent aujourd’hui pour le peuple qui fuit l’Ukraine. Tout ce qui a été mis en place en un mois est fantastique et prouve que nous pouvons le faire. Continuons sur cette lancée, demain, appliquons ces opportunités et ces droits ; au logement, au travail, aux transports publics
gratuits, aux regroupements familiaux à tous.tes les réfugié.es qui fuient des zones de conflit ailleurs dans le monde ou qui sont persécuté.es dans leur pays d’origine. Mobilisons-nous pour leur montrer le même accueil, la même humanité que celle dont nous faisons preuve pour le peuple Ukrainien.

J’ai également, aujourd’hui, une pensée particulière pour toutes les personnes racisées présentent en Ukraine qui fuient également la guerre et se trouvent confrontées à des difficultés pour traverser les frontières ou avoir accès à des conditions d’accueil dignes et égalitaires aux autres citoyen.nes. Soyons solidaires et justes avec tout le monde !

Je terminerai par la fin du poème de Warsan Shire :
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est le canon d’un fusil.
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d’en être chassé jusqu’au rivage
A moins que ta propre maison te dise :
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici.

Extrait de document d’objet traité au Grand Conseil neuchâtelois
Notes
Notes
1 Home, le poème de Warsan Shire en version originale