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Documentation

Migreurop | Autour des pièges de la soft law

Image : couverture de la note 14 (juin 2022) de Migreurop

Dans sa note de juin 2022, Migreurop se penche sur le recours de plus en plus fréquent par les Etats aux instruments de la soft law et aux conséquences démocratiques d’une telle pratique. Aussi appelée « droit mou », la Soft Law désigne un ensemble de règles de droit non contraignantes telles que des actes, lignes directrices, codes de conduite, etc. Adoptés sans base juridique ni contrôle du pouvoir législatif, et sans voie de recours possible auprès d’un tribunal, ces textes permettent ainsi de « contourner les exigences démocratiques de contrôle politique et judiciaire ». Et c’est notamment le cas de plus en plus d’accords bilatéraux ou multilatéraux portant sur la gestion des frontières de l’Union Européenne, adoptés sans que les parlements nationaux et européen n’aient de droit de regard. Selon Migreurop, cette pratique qui permet de contourner les procédures garantissant le respect du droit international et européen renvoie à des enjeux démocratiques majeurs, d’autant plus au regard de ses conséquences concrètes sur les droits des individus.

La note n°14 de Migreurop du mois de Juin 2022 que nous partageons ci-dessous est également accessible sur le site de l’organisation.

L’INFORMALISATION DES POLITIQUES MIGRATOIRES : LES PIÈGES DE LA SOFT LAW

Mal connue du public, la soft law est une arme redoutable entre les mains des États, qui utilisent cette méthode quand ils veulent contourner les contraintes et la rigidité que leur imposeraient les lois nationales ou les textes et traités internationaux. Elle est souvent mobilisée dans le domaine du « contrôle des flux migratoires », sans qu’il soit facile de faire toujours la différence entre la stricte application du droit et ses contournements. L’externalisation des politiques d’asile et d’immigration est un exemple typique du recours à la soft law : l’Union européenne (UE) ou ses États membres trouvent avantage à négocier toute une foule d’arrangements aux noms divers, plus ou moins informels, avec leurs « partenaires » des pays tiers, fictivement présentés sur un pied d’égalité.

La finalité est de contraindre ces derniers à stopper l’immigration à la source ou à reprendre sur leur sol les indésirables qu’on leur renverra, parfois au prétexte de l’urgence (comme ce fut le cas avec la « déclaration » UE-Turquie en mars 2016, supposée mettre fin à la mal nommée « crise migratoire ») : avec la soft law, certaines clauses contraires aux droits fondamentaux peuvent rester occultes. Les abus seront imputés à ces autorités extérieures à l’Europe, les instances parlementaires ou judiciaires ne seront pas saisies, les dissensions internes seront moins visibles et, devant d’éventuels écueils, il sera plus aisé de changer de cap.

S’ouvre ainsi un vaste domaine à des formes d’infra-droit qui, par-delà la diversité des modes opératoires, mènent inévitablement au déni des normes en vigueur. D’où l’enjeu que représente, pour les associations de défense des droits humains, la connaissance des mécanismes de la soft law et des discours publics qui visent à en imposer la légitimité dans l’opinion.