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Notre regard

Frontex, la Suisse et les violations des droits fondamentaux. Après le 15 mai…

Sophie Malka

Le résultat n’a pas surpris, mais la déception a évidemment été pregnante après la votation du 15 mai sur l’augmentation des moyens octroyés par la Suisse à l’agence européenne du corps des garde-côtes et garde-frontières Frontex. En faisant croire à la population qu’un refus conduirait à éjecter automatiquement la Suisse de Schengen, le Conseil fédéral a réussi à faire peur à une majorité des votant·es. Parmi elles, aussi des personnes soucieuses du respect des droits fondamentaux et qui n’ont glissé qu’un «oui» dit «pragmatique» dans l’urne. Mais le débat n’est pas clos.

Car la vague de révélations sur Frontex a mis le projecteur sur les violations crasses des droits fondamentaux commises par Frontex. La démission de son directeur Fabrice Leggeri le 29 avril en a été un aveu retentissant. On rappelle que jusque-là, les partisans de Frontex en minimisaient voire en niaient la réalité (voir Frontex | De «prétendues» violations des droits fondamentaux?).

Assurer que la participation de la Suisse permettra d’améliorer le respect des droits fondamentaux «de l’intérieur» a été l’autre argument martelé par le Conseil fédéral dans la campagne. Berne ayant déjà deux représentants au conseil d’administration de Frontex depuis plusieurs années, il sonnait creux. Mais par cet engagement, le Conseil fédéral a reconnu, de fait, la coresponsabilité de la Suisse dans les pratiques de l’agence et dans ses conséquences : la mort de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants aux frontières extérieures de l’Europe, les refoulements illégaux de personnes à protéger, l’absence de contrôle véritablement indépendant du respect des droits humains et l’opacité de la plus grosse agence de l’Union européenne.

Image: Mortaza Shahed, Unsplash

C’est le grand mérite du référendum lancé par le Migrant Solidarity Network, collectif de personnes migrantes et de citoyen·nes solidaires et engagé·es : avoir fait des agissements de Frontex un débat de politique suisse. Avoir mis le doigt sur le fait que les actes commis aux frontières extérieures de l’Europe le sont aussi au nom de la Suisse. Les autorités fédérales devront désormais rendre des comptes.

Car l’attention des ONG et des journalistes ayant contribué aux révélations sur Frontex ne s’arrêtera ni au vote suisse ni à la démission de Fabrice Leggeri. La mission même de l’agence à l’égard de la «migration irrégulière» porte en germe les abus dénoncés de l’intérieur.

En cloisonnant les frontières, en érigeant des murs, les autorités européennes – et la Suisse, membre de Frontex depuis 2011 – font le jeu d’États autoritaires, renforcent les réseaux criminels de passeurs, alimentent l’industrie de l’armement. Au lieu de protéger des hommes, femmes et enfants, elles les rendent plus vulnérables. Combien de femmes et d’hommes ont été abusé·es sexuellement voire victimes de traite d’êtres humains durant leur parcours de par l’absence de voie légale sûre d’accès à une protection internationale?

Cette politique sape les valeurs de démocratie et de respect des droits humains que revendiquent l’Europe et la Suisse. La migration est un fait, pas une menace. Les gens continueront à quitter leurs pays et à chercher refuge et sécurité en Europe. Au lieu de dépenser des millions à faire la guerre aux personnes en exil, l’Europe ferait mieux d’investir dans le sauvetage et dans une politique d’accueil digne.

Vivre Ensemble s’est engagée dans la campagne référendaire genevoise. Nos décryptages et dossiers d’information sont à retrouver sur asile.ch !


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