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Prolongation du statut S | Le HCR appelle à des améliorations

Si l’annonce faite par le Conseil fédéral le 9 novembre 2022 de prolonger la protection des réfugié·es d’Ukraine jusqu’au 4 mars 2024 a été saluée par le Bureau suisse du HCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugié·es a publié le même jour un communiqué assorti de nombreuses recommandations aux autorités suisses. Recommandations à lire point par point tant elles mettent le doigt -très diplomatiquement- sur les éléments-clés problématiques soulevés notamment par les associations de défense des personnes migrante depuis le début du conflit.

Le HCR appelle ainsi les autorités suisses à préciser les bases juridiques définissant les bénéficiaires du statut S (ressortissant·es d’État tiers, binationaux, etc.) et le rapport avec la procédure d’asile régulière, à adapter la réglementation relative à la révocation du statut S et à renforcer la protection des personnes vulnérables et les mesures d’intégration.

Le HCR appelle également à résoudre les inégalités de traitement dans la protection offerte aux réfugié·es de guerre que l’accueil des réfugié·es d’Ukraine a mis en exergue. L’institution onusienne appelle ainsi à réformer le régime de l’admission provisoire par la création d’un statut de protection assorti de droit: « Il faudrait notamment s’assurer que l’accès au marché du travail sans délai d’attente, la liberté de voyager et la possibilité de regroupement familial soient généralisés. » 

Principe de réalité et corde raide

Dans son communiqué, le Conseil fédéral prend acte que la guerre en Ukraine risque de se prolonger. Répondant aux demandes notamment des milieux économiques -appelés à favoriser l’emploi des réfugié·es d’Ukraine par les autorités fédérales-, il offre un an supplémentaire à la validité du statut S, délivré à quelque 67’000 ressortissant·es d’Ukraine, à l’instar de ce qui a été annoncé par l’Union européenne.

Le statut de protection S est valable jusqu’à sa levée par le Conseil fédéral, laquelle suppose une stabilisation durable de la situation en Ukraine, c’est-à-dire la dissipation du danger général grave. Les derniers événements montrent toutefois qu’une telle stabilisation n’est pas en vue pour le moment. Des actes de guerre restent à craindre sur l’ensemble du territoire ukrainien. 

Communiqué du Conseil fédéral du 9 novembre 2022

Photo de Michel E on Unsplash

Dans le même temps, et sans doute pour donner des gages aux sirènes électoralistes du PLR -parti dont est issu la Conseillère fédérale Karine Keller-Sutter-, le Conseil fédéral annonce élaborer « en collaboration avec les cantons et les communes, les bases propres à lever rapidement ce statut dès que la situation en Ukraine le permettra ; les intéressés seront alors encouragés à rentrer rapidement au pays par des incitations ciblées. »

Sophie Malka (Vivre Ensemble | asile.ch)

Nous publions ci-dessous le communiqué de presse du Bureau suisse du HCR.

Maintien du statut de protection temporaire S: le HCR salue la décision du Conseil fédéral. Besoin d’amélioration dans la mise en œuvre

Berne, le 9 novembre 2022 – Le bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein salue la décision du Conseil fédéral du 9 novembre 2022 de maintenir la protection des personnes ayant fui l’Ukraine. La Suisse tient ainsi compte de la situation actuelle en Ukraine, qui ne permet pas un retour pour la grande majorité des réfugiés. Sur le fond, le HCR voit d’un bon œil les mesures prises par la Suisse pour protéger les réfugiés d’Ukraine, mais il reconnaît aussi que des améliorations sont nécessaires à différents niveaux, comme cela est souligné dans une prise de position publiée aujourd’hui par le HCR. Ainsi, les bases juridiques et le rapport avec la procédure d’asile régulière devraient notamment être précisés, la réglementation relative à la révocation du statut S devrait être adaptée et la protection des personnes vulnérables et les mesures d’intégration devraient être encore renforcées.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Suisse – Confédération, cantons, communes et société civile – a effectué un travail remarquable en accueillant un grand nombre de personnes réfugiées en provenance d’Ukraine en peu de temps. Elles ont pu être logées et recevoir d’autres biens de première nécessité, bien que le nombre de personnes ayant fui ait largement dépassé les ordres de grandeur de 2015/2016.

En raison de la guerre qui se poursuit, il faut s’attendre à ce que le nombre de réfugiés d’Ukraine présents en Suisse reste élevé ou continue d’augmenter durant les mois d’hiver, alors qu’un retour n’est pas possible pour la grande majorité des personnes concernées. C’est pourquoi le HCR se réjouit de la décision du Conseil fédéral de prolonger d’un an la protection du statut S pour les personnes ayant fui l’Ukraine.

Recommandations du HCR:

Dans une prise de position publiée aujourd’hui, le HCR fait une série de propositions pour améliorer la pratique:

Préciser les groupes de personnes protégées: Les groupes de personnes protégés par le statut S sont définis dans la « Décision de portée générale concernant l’octroi de la protection provisoire en lien avec la situation en Ukraine « . A cet égard, la pratique d’application a soulevé différentes questions importantes qui doivent être clarifiées. Par exemple, sur le refus d’accorder le statut S aux ressortissants de pays tiers, aux doubles nationaux et aux couples binationaux, ou sur l’accès à la procédure d’asile régulière pour les personnes bénéficiant du statut S.

• Mieux soutenir les cantons: Grâce à la procédure rapide d’obtention du statut S, les réfugiés ukrainiens ne séjournent que brièvement dans les Centres fédéraux d’asile (CFA). Les cantons, les structures cantonales ou les services cantonaux de conseil juridique ont donc eu et ont encore de grandes tâches à accomplir en raison du grand nombre de personnes attribuées. Le HCR recommande de soutenir encore mieux les cantons et les structures cantonales et de mettre par exemple à disposition des experts un savoir-faire ou des ressources financières.

• Normes minimales en matière d’hébergement: Compte tenu de la multiplicité des acteurs et de la nécessité de fournir rapidement des hébergements, les structures existantes présentent des normes très différentes. Il serait avantageux que la Confédération et les cantons puissent convenir de normes minimales pour les différents types d’hébergement. Parallèlement, le HCR recommande de renforcer l’accompagnement et le dialogue avec les familles d’accueil et d’évaluer le projet de familles d’accueil pour que de telles places soient, si possible, toujours disponibles à l’avenir.

• Plus de protection pour les personnes avec des besoins particulier: Ces personnes doivent bénéficier d’un accès égal à leurs droits. Le HCR recommande de renforcer les structures d’identification des besoins particuliers dans les CFA et dans les cantons, ainsi que d’améliorer l’information aux personnes en quête de protection et aux cantons.

• Renforcer les mesures d’intégration: Malgré l’orientation vers le retour du statut S, il est important de travailler à l’intégration des personnes en fuite. Cela n’empêche pas un retour dès que celui-ci est possible. Cette approche requièrt, entre autres, que les services cantonaux compétents devraient être rapidement dotés de moyens adéquats pour la promotion de l’intégration.

• Adapter la réglementation sur la révocation aux réalités: Le statut S peut être révoqué si une personne séjourne plus de 15 jours par trimestre en Ukraine. En réalité, les personnes en fuite se rendent en Ukraine pour une courte durée pour des raisons professionnelles ou pour pouvoir s’occuper de parents ou de leur domicile – des facteurs qui favorisent un futur retour réussi. Mais en déduire que ces personnes pourraient déjà rentrer durablement ne correspond souvent pas à la réalité de la vie. Le HCR recommande de n’envisager la révocation du statut S que lorsque les personnes à protéger séjournent effectivement en Ukraine depuis trois mois ou plus.

Traiter les personnes en quête de protection de manière égale: Le régime de protection spécial pour les réfugiés d’Ukraine a soulevé des questions d’inégalité de traitement – d’une part, entre les personnes en quête de protection provenant d’autres situations de guerre et de crise, et, d’autre part, entre les réfugiés bénéficiant du statut de protection S et ceux bénéficiant de l’asile. Cela met en évidence la nécessité d’une réforme attendue de l’admission provisoire et de la création d’un statut de protection assorti de droits. Il faudrait notamment s’assurer que l’accès au marché du travail sans délai d’attente, la liberté de voyager et la possibilité de regroupement familial soient généralisés.