Aller au contenu
Notre regard

Editorial | Des boussoles dans le brouillard

Sophie Malka

Montée de l’extrême droite, système multilatéral mis en péril par la Russie, la Chine, l’Iran qui cherchent à déstabiliser les pays occidentaux et nourrissent les guerres, réseaux sociaux utilisés pour s’immiscer dans les scrutins électoraux et attiser la haine. On ne peut pas dire que nos démocraties soient au mieux de leur forme.

Dans notre dernière édition, nous pointions du doigt le [mauvais] calcul des partis de la droite traditionnelle dans leurs alliances avec l’UDC. L’original a été préféré à la copie. Phénomène identique aux Pays-Bas, avec l’avènement du parti de Geert Wilders, raciste patenté. La droite gouvernementale a tenté de rétropédaler mais «trop tard pour remettre le génie dans la bouteille », analyse un politologue[1]Le Temps, Séisme aux Pays-Bas, où l’extrême droite sort victorieuse des élections législatives, 22.11.23. Image éloquente qui dit le danger d’une normalisation de ces mouvances et de la propagation de leurs discours.

Une enquête [2]Le Monde, La figure de l’étranger, ce repoussoir imaginaire : comment le vote RN a évolué, 17.11.23 sur les raisons de la percée du Rassemblement national (RN) dans les campagnes françaises montre qu’elle n’exprime pas le refus d’une mixité et d’un «trop-plein» vécus. Mais une opposition «symbolique» à ce que représentent les étrangers pour les votant·es. Ils et elles ne les côtoient pas, mais sont imprégné·es des discours les dépeignant comme «assistés», «délinquants» ou «criminels». Ils et elles ne sont pas forcément racistes, mais veulent s’en distinguer. Et portent au pouvoir des forces antidémocratiques.

C’est dire la responsabilité des élu·es dans les idées qu’ils et elles véhiculent, en parole et en actes(p. 19). Et la nôtre de démystifier ces mensonges.

Une partie de nos sociétés semble avoir oublié les cataclysmes du siècle passé, les raisons pour lesquelles des institutions visant à protéger la paix et les droits humains ont été créées. Ces droits pouvant être opposés à l’arbitraire de l’État, forcément faillible. Des droits et institutions que l’extrême droite n’a de cesse d’attaquer.
Une partie de nos sociétés, seulement.

Le 11 octobre 2023, le maire de la ville italienne de Riace gagne en appel un procès très politique lancé par le ministre populiste Matteo Salvini. Riace était le modèle du possible, la négation vivante des thèses dépeignant la migration comme une menace plutôt que comme une chance. Salvini a voulu la détruire.Riace n’est pas morte(p.24).

Le 15 novembre 2023, le plan du gouvernement britannique souhaitant délocaliser les procédures d’asile au Rwanda est jugé illégal par la Haute Cour du Royaume-Uni. 18 mois plus tôt, saisie par des associations, la Cour européenne des droits de l’homme avait suspendu in extremis un vol charter organisé par Londres(p. 28).

Parler de ces combats gagnés, c’est montrer que les instruments démocratiques sont bien vivants. Parler des mobilisations citoyennes contre le rejet qui s’imprime dans les cœurs et dans l’espace public, c’est montrer que le «problème» dépeint comme une « menace » est avant tout un défi. Certain·es retroussent leurs manches pour le relever et sans doute que cela les rend même heureux et heureuse. Montrer que chez les jeunes aussi, une vision ouverte de la société se fraie un chemin. Ces engagements sont des lumières dans le brouillard.

Et puis il y a celles et ceux dont on parle, « ces gens-là », qui prennent trop rarement la parole. Leur permettre de se montrer tels qu’ils sont, des hommes, des femmes, avec leur histoire, leurs forces et leurs faiblesses, des opinions et des désirs multiples, c’est démystifier, rapprocher, ouvrir une brèche dans les esprits. C’est dans cette voie que Vivre Ensemble continue à s’engager, avec d’autres, avec vous. Bonne lecture !

Illustration
Illustration: Sara Ashrafi, 2023

L’information a un coût. Notre liberté de ton aussi. Pensez-y !
ENGAGEZ-VOUS, SOUTENEZ-NOUS !!