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Documentation

Droit de rester | Tout ça pour ça?

Le collectif Droit de rester Vaud a tenu une conférence de presse en présence de personnes afghanes ayant été victimes de renvois forcés dans le cadre du règlement de Dublin: une famille expulsée vers la Croatie, où elle avait subi des violences documentées, une jeune femme vers l’Espagne alors que son frère vit en Suisse. Depuis, la famille revenue en Suisse, a vu sa procédure d’asile ouverte [1]A noter qu’une procédure Dublin signifie uniquement que la personne a transité par un pays membre de Dublin, et que la Suisse estime que c’est à ce pays qu’incombe la … Lire la suite. Les renvois forcés, les violences commises lors de ces expulsions, les conditions de vie à l’aide d’urgence sont dénoncées par le collectif qui revendique des conditions de vie dignes quel que soit le statut administratif.

Ci-dessous le communiqué de presse de Droit de rester du 26 janvier 2024. Retrouvez également en bas de pages de la documentation et des compléments statistiques proposés par asile.ch

Tout ça pour ça ?

Communiqué de presse, 26 janvier 2024

Le collectif Droit de rester est témoin depuis trop longtemps de renvois violents de personnes déboutées de l’asile ou en procédure Dublin. Ces renvois sont traumatisants, pour les personnes concernées et les témoins, et de nombreuses personnes reviennent par la suite en Suisse malgré cela, comme le montrent ces derniers cas. 

Mai 2023, Bex, renvoi violent de la famille V. 

Le 2 mai 2023, une dizaine de policiers fait irruption au foyer EVAM de Bex. Les policiers arrachent un enfant des bras de ses parents pour les contraindre à les suivre. Cette famille afghane est renvoyée en Croatie où elle avait déjà subi des violences. Traumatisée, elle parvient à revenir en Suisse en juin. Alors, on les loge à cinq dans la même pièce avec une aide d’urgence de moins de 10 francs par personne et par jour pour vivre. Quasi impossible de chercher de l’aide : l’usage des billets de train est limité aux rendez-vous médicaux et surtout à aller renouveler l’attestation d’aide d’urgence au Service de la Population (SPOP). Souvent. Là, il faut attendre pour rien pendant des heures. Il faut subir les brimades et les menaces d’une descente de police à l’aube. Encore. Les enfants en font des cauchemars toutes les nuits.

Et après de trop longs mois de ce traitement, on leur dit que c’est bon, qu’on ne les renverra plus : la famille ne sera pas renvoyée en Croatie et est actuellement en procédure d’asile fédérale. Tout ça pour ça ?

16 janvier 2024 : M. A., renvoyée en Espagne par vol spécial

Elle a 29 ans et est diplômée de l’université de Balkh en Afghanistan. Quand les Talibans ont pris le pouvoir, elle a fondé une école pour filles, mais le régime ne l’a pas laissé faire. Pour sauver sa vie, elle a dû se résoudre à fuir. Il faut franchir les mers, les montagnes et toutes ces frontières.

Alors parfois, on se retrouve avec un visa pour l’Espagne alors que son frère a un statut légal en Suisse. Et si on a le malheur de tout de même vouloir rester proche de sa famille, c’est parti comme d’habitude : arrestation matinale, violence, avion, Madrid.

Mais en Espagne, on lui dit : « débrouille-toi, bonne journée ». Elle n’a pas accès aux soins médicaux dont elle a besoin. Le canton de Vaud n’a même pas pris la peine de vérifier son état de santé avant de la renvoyer.

Alors, comme elle ne peut retourner en Afghanistan, son choix n’en est pas un. Comme la famille afghane renvoyée en mai, elle doit revenir. Espérons que le canton de Vaud saura, cette fois aussi, revenir sur sa décision et permettre à cette femme courageuse de rester dans le pays où réside son frère.

Et tou·te·s les autres

Nous n’oublions pas qu’un jeune homme, E., arrêté le 1er novembre 2023, a été maintenu en hospitalisation pénitentiaire jusqu’à être mis de force dans un avion pour Zagreb, malgré sa grande fragilité psychologique.

Nous n’oublions pas non plus ce jeune homme qui, en décembre 2023, s’est jeté par la fenêtre du centre où il était hébergé quand la police a débarqué. 

Nous sommes témoins de tant de cas de renvois violents que nous ne parvenons pas toujours à dénoncer. 

Mais nous n’oublions pas tou·te·s les autres. 

L’inhumanité de ces renvois forcés devrait suffire à abolir définitivement la pratique. Mais puisque les autorités insistent, nous devons malheureusement en dénoncer aussi l’absurdité : non seulement un coût humain, mais aussi financier, écologique, pour rien : ces personnes reviennent, et reviendront. Tout ça pour ça ?

Nous revendiquons des conditions de vie dignes pour tou·te·s, quel que soit le statut administratif :

– Arrêt de toutes les expulsions

– Arrêt de la maltraitance administrative au SPOP

– Droit au travail et à la formation

– Droit à un logement digne

– Droit à se déplacer et à chercher de l’aide

– Indexation et augmentation de l’aide d’urgence et de tous les minimums vitaux


Compléments statistiques | asile.ch

A propos de Dublin, de l’absurdité administrative, et du jeu à somme nulle dont les hommes, femmes et enfants sont les premières victimes, voir les analyses statistiques développées par asile.ch. Zoom sur quelques graphiques et analyses.

Les Dublin « sortants »

Le nombre de transferts « out » effectués est toujours largement inférieur aux demandes de prise en charge et aux décisions NEM Dublin prononcées par la Suisse. Le décalage peut être très important, soit en raison d’un taux de refus élevé de la part des États sollicités (cela a été le cas entre 2014 et 2016) ; soit en raison de l'impossibilité d'effectuer le renvoi dans les délais légaux (6 mois). Dans le contexte d'une augmentation des demandes d'asile en 2015, nous observons également une augmentation de demandes de prise en charge Dublin de la part de la Suisse mais sans impact sur le nombre de transferts.

Au niveau européen, un "jeu" à somme nulle

L'absurdité de Dublin vue d'Europe

8%
des procédures Dublin ont effectivement abouti à un transfert vers l’État considéré comme responsable d’examiner la demande d’asile en 2022

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Notes
Notes
1 A noter qu’une procédure Dublin signifie uniquement que la personne a transité par un pays membre de Dublin, et que la Suisse estime que c’est à ce pays qu’incombe la responsabilité d’examiner la demande d’asile. Les personnes frappées d’une décision Dublin n’ont jamais vu leurs motifs d’asile examinés. Voir Dublin, comment ça marche?