1.3 Elle vient d’un autre canton ?
Engager une personne résidant dans un autre canton
Elle vient d’un autre canton? Ce n’est pas un problème. En tant qu’employeur·euse, engager une personne relevant de l’asile qui habite dans un autre canton est possible.
Et pourtant ! Des règles qui changent d’un permis à l’autre, la crainte de démarches administratives chronophages ou tout simplement une méconnaissance des lois peuvent décourager un·e employeur·euse face à un profil prometteur, mais venant d’un autre canton. La personne réfugiée ou admise provisoirement a-t-elle le droit de travailler en dehors de son canton de domicile ? Peut-elle déménager pour se rapprocher de son lieu de travail ? Face à ces incertitudes, un·e employeur·euse préférera peut-être laisser de côté des candidatures de personnes relevant de l’asile : un obstacle de plus à leur intégration professionnelle.
Les personnes réfugiées (permis B ou F-réfugié), admises à titre provisoire (F-étranger) ou sous protection temporaire (statut S) peuvent travailler dans toute la Suisse.
Il convient simplement d’annoncer l’activité avant la prise de fonction. Voir à ce sujet le chapitre [Démarche.] Que la personne vive ou non dans le canton où l’entreprise à son siège ne joue donc aucun rôle au regard de la loi. Il convient cependant d’être attentif et attentive à la qualité de vie : la distance entre le domicile et le lieu de travail est-elle raisonnable ? Les horaires de travail sont-ils réalistes avec les déplacements nécessaires ? Des questions qui peuvent se poser pour toute personne, qu’elle soit réfugiée ou non !
« Je connais un jeune kurde irakien qui a été assigné dans un foyer à Sainte-Croix (canton de Vaud). Il a ensuite trouvé une place comme coiffeur à Winterthur, où il travaille à 100%. Le fait qu’il réside dans un autre canton ne pose aucun problème pour son employeur, car le permis F autorise une prise d’emploi dans toute la Suisse. Quant à lui, il a trouvé un logement en résidence secondaire à Winterthur, pour éviter les trajets, le temps d’effectuer le changement de canton. C’est que, depuis, il sait mieux l’allemand que le français. D’ailleurs, il apprend le Suisse-allemand. Et après 4 ans d’attente et de preuve d’autonomie financière à 100%, sans aucun recours à l’aide sociale, il vient de recevoir l’accord de son transfert de Vaud à Zürich »,
Christine Duina Ike, assistante sociale dans le canton de Vaud durant plusieurs années
Changer de canton selon les permis
Les personnes relevant de l’asile ont le droit de changer de canton pour se rapprocher de leur lieu de travail. Les conditions et la procédure varient toutefois selon le permis. Il faut également tenir compte des implications d’un changement de canton si la personne souhaite obtenir à terme un autre permis (cf. encadré ci-dessous).
À leur arrivée en Suisse, les demandeur·euses d’asile sont d’abord dans un Centre fédéral d’asile (CFA), puis, et pour la durée de la procédure d’asile, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) les attribue à un canton (canton d’attribution) selon une clé de répartition spécifique (liée à la densité de la population et d’autres critères (présence de centres fédéraux sur le territoire, présence d’un membre de la famille nucléaire dans le canton, en fonction de la nationalité et des besoins d’encadrement particuliers)).
Il est cependant possible pour une personne avec un permis B-réfugié, F ou un statut S de changer de canton, sous certaines conditions. Parmi celles-ci : un emploi décroché dans un autre canton et l’indépendance financière qui en résulte peut permettre un déménagement. Les demandes sont toutefois évaluées au par cas par les cantons. Il faut noter qu’un déménagement entraînera le transfert du dossier dans le nouveau canton (voir les implications éventuelles dans l’encadré ci-dessous « Implication d’un changement de canton : attention à la langue majoritaire »).
Une personne en attente de décision (permis N)) n’a pas le droit de déménager. Et en principe, les titulaires d’un permis N ne peuvent également pas travailler en dehors du canton d’attribution. Une situation qui peut perdurer puisque les décisions peuvent prendre plusieurs mois, et années dans certains cas, avant d’être rendues.
Ci-dessous, un aperçu de ce que dit la loi, selon les différents statuts.
Permis F réfugié
Une personne admise provisoirement avec le statut de réfugié (permis F réfugiés) peut demander de changer de canton au même titre que les étrangers titulaires d’une autorisation de séjour [1]Article 58 LAsi (loi sur l’asile) qui consacre le principe d’égalité de traitement entre les réfugiés reconnus et les étrangers en Suisse. Conformément à la Convention relative au statut … Lire la suite. Cela signifie qu’elle doit :
- Demander une autorisation préalable au nouveau canton (sauf s’il s’agit d’un séjour temporaire)[2]Article 37, Loi sur l’intégration et les étrangers (LEI), https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr#art_37, page consultée le 15.07.2025.
- Ne doit pas être au chômage
Elle peut aussi invoquer les raisons suivantes :
- Pour préserver l’unité familiale
- En cas de menace grave sur elle-même ou pour les membres de sa famille
- Si la personne exerce une activité lucrative de durée illimitée ou une formation professionnelle initiale dans un autre canton
Si c’est l’exercice d’une activité lucrative qui est invoquée, les conditions suivantes doivent être respectées :
Critères à respecter :
- La personne ne perçoit pas d’aide sociale pour elle-même ou un membre de sa famille
- Les rapports de travail durent depuis plus de 12 mois OU
- Il n’est pas raisonnablement exigible qu’elle reste dans son canton de domicile actuel en raison de la durée des trajets et des horaires de travail
- Durée du trajet
- a. le trajet dépasse 90 minutes à l’allée et au retour (art. 67a, alinéa 2, OASA)
- b. la personne dépend des transports publics pour se rendre au travail ; or le lieu de travail n’est pas ou n’est que difficilement accessible en transports publics (art. 67a, alinéa 2, OASA)
- Horaires de travail
- a. la personne admise à titre provisoire dépend des transports publics pour se rendre au travail et que les transports publics ne circulent pas au début ou à la fin de l’horaire de travail ; (art. 67a, alinéa 3, OASA)
- b. des missions confiées à court terme, par exemple des services de piquet, sont nécessaires. (art. 67a, alinéa 3, OASA)
- Durée du trajet
N.B : cette liste n’est pas exhaustive et les demandes sont évaluées au cas par cas. Le traitement de la demande peut être estimée entre 2 et 6 mois, en fonction de la complexité du cas et la réactivité des parties prenantes.
Permis F-étranger et Statut S
Une personne admise provisoirement sans qualité de réfugié peut demander de changer de canton si elle invoque plusieurs motifs, parmi les raisons suivantes[3]Article 85b, Loi sur l’intégration et les étrangers (LEI), https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr#art_85_b, page consultée le 15.07.2025. :
- Pour préserver l’unité familiale
- En cas de menace grave sur elle-même ou pour les membres de sa famille
- Si la personne exerce une activité lucrative de durée illimitée ou une formation professionnelle initiale dans un autre canton
Si c’est l’exercice d’une activité lucrative qui est invoquée, les conditions suivantes doivent être respectées :
Critères à respecter :
- La personne ne perçoit pas d’aide sociale pour elle-même ou un membre de sa famille
- Les rapports de travail durent depuis plus de 12 mois OU
- Il n’est pas raisonnablement exigible qu’elle reste dans son canton de domicile actuel en raison de la durée des trajets et des horaires de travail
- Durée du trajet
- a. le trajet dépasse 90 minutes à l’allée et au retour (art. 67a, alinéa 2, OASA)
- b. la personne dépend des transports publics pour se rendre au travail ; or le lieu de travail n’est pas ou n’est que difficilement accessible en transports publics (art. 67a, alinéa 2, OASA)
- Durée du trajet
- Horaires de travail
- a. la personne admise à titre provisoire dépend des transports publics pour se rendre au travail et que les transports publics ne circulent pas au début ou à la fin de l’horaire de travail ; (art. 67a, alinéa 3, OASA)
- b. des missions confiées à court terme, par exemple des services de piquet, sont nécessaires. (art. 67a, alinéa 3, OASA
N.B : cette liste n’est pas exhaustive et les demandes seront évaluées au cas par cas. Le traitement de la demande peut être estimée entre 2 et 6 mois, en fonction de la complexité du cas et la réactivité des parties prenantes.
Séjour hebdomadaire dans le cadre du travail
La modification de la LEI[4]Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration en 2024 étend officiellement la possibilité du « séjour hebdomadaire » au personnes admises à titre provisoire et les personnes titulaires du statut S.
Dans ce cas, la personne a le droit de travailler dans un autre canton que celui de son domicile, sans qu’il y ait de transfert de compétence en matière d’aide sociale et dans le suivi de son dossier. Elle garde son domicile principal dans son canton d’attribution. En revanche, si les trajets et les horaires le requièrent, le déplacement de son logement principal dans le canton où elle travaille est possible (voir à ce sujet chapitre 5.2.2)[5]Directives Domaine des étrangers, « Modification des directives LEI », entrée en vigueur le 1er juin 2024, consultée le 28.08.2025.
Permis C et B-réfugié
La personne titulaire d’un permis C ou B-réfugié peut demander à changer de canton sans motif spécifique. Elle doit cependant veiller à ne pas être dépendante de manière permanente de l’aide sociale et aucun autre motif relevant du droit des étrangers ne doit exister, pouvant révoquer son autorisation[6]Informations succinctes concernant les réfugiés reconnus — permis B, les réfugiés admis à titre provisoire — permis F, les personnes admises à titre provisoire — permis F, Département … Lire la suite
Procédure : la demande doit être faite au service compétent en matière de migration du canton dans lequel la personne souhaite s’installer.
- Séjour de plus de 3 mois : Une personne reconnue comme réfugiée (C et B-réfugié) doit demander une autorisation de changer de canton pour tout séjour supérieur à 3 mois (art. 67 OASA).
- Séjour jusqu’à 3 mois : Pour un séjour temporaire de trois mois au maximum par année civile dans un autre canton, la personne réfugiée n’a pas besoin d’autorisation, ni de déclarer son arrivée (art. 67, OASA).
Séjour hebdomadaire hors du domicile
Une personne qui, durant la semaine, exerce une activité lucrative ou suit une formation dans un autre canton, sans pour autant y transférer son centre d’intérêt, doit déclarer sa situation aux autorités du lieu de séjour hebdomadaire. Et ce, si le séjour hebdomadaire dure plus de trois mois par année civile (art. 16, OASA).
Délai : dans les 14 jours une fois l’activité débutée. Si l’activité prend fin, les autorités du lieu de séjour hebdomadaire doivent également en être informées (art. 16, OASA).
Implication d’un changement de canton : attention à la langue majoritaire
Une personne réfugiée, admise provisoirement ou titulaire du statut S peut changer de canton, aux conditions énumérées ci-dessus.
Vigilance toutefois si la langue parlée majoritairement dans le nouveau canton de domicile souhaité n’est pas la même que celle apprise lors de l’arrivée en Suisse.
Un changement de canton implique que le dossier de la personne est transféré au nouveau canton de domicile. Si la personne possède un permis F ou un statut S et qu’elle souhaite par la suite le transformer en permis de séjour (B), elle devra effectuer l’ensemble de la procédure dans la langue du nouveau canton de domicile, y compris le test de connaissance linguistique, qui sera effectué dans la langue majoritaire du canton. Si la personne ne connaît pas cette langue (allemand, français ou italien), l’obtention du permis B pourrait être comprise.
Permis N
Le Secrétariat d’État aux migrations peut prononcer une décision de changement de canton pour un·e demandeur·euse d’asile seulement si les deux cantons concernés y consentent, et dans les cas suivants : si l’unité familiale est invoquée ; si une menace grave pèse sur la personne ou d’autres personnes ; ou en raison d’un emploi. Dans un échange de lettres, le SEM précise bien qu’une demande de changement de canton est possible pour un·e demandeur·euse d’asile uniquement si les cantons concernés y consentent.
Pour aller plus loin
- La procédure est-elle compliquée ?
Notes
| ↑1 | Article 58 LAsi (loi sur l’asile) qui consacre le principe d’égalité de traitement entre les réfugiés reconnus et les étrangers en Suisse. Conformément à la Convention relative au statut des réfugiés, les permis F-réfugiés bénéficient du droit à la libre circulation sur le territoire suisse et du libre choix du domicile (sous réserve de la législation qui s’applique aux étrangers). |
|---|---|
| ↑2 | Article 37, Loi sur l’intégration et les étrangers (LEI), https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr#art_37, page consultée le 15.07.2025. |
| ↑3 | Article 85b, Loi sur l’intégration et les étrangers (LEI), https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr#art_85_b, page consultée le 15.07.2025. |
| ↑4 | Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration |
| ↑5 | Directives Domaine des étrangers, « Modification des directives LEI », entrée en vigueur le 1er juin 2024, consultée le 28.08.2025. |
| ↑6 | Informations succinctes concernant les réfugiés reconnus — permis B, les réfugiés admis à titre provisoire — permis F, les personnes admises à titre provisoire — permis F, Département fédéral de Justice et Police, Confédération suisse, p.7, https://www.sem.admin.ch/dam/sem/fr/data/publiservice/publikationen/info-flue-va/info-flue-va-fr.pdf, brochure consultée en ligne le 16.07.2025. |