Disparités cantonales | Zoom sur les enfants isolés
Plusieurs centaines d’enfants et d’adolescents arrivent seuls en Suisse chaque année. Certains déposent une demande d’asile, d’autres restent dans la clandestinité, d’autres encore peuvent être victimes de trafic ou d’exploitation. On les appelle « enfants séparés » (1). En 2013, la Suisse a enregistré 346 demandes de requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA) (2). Certains enfants arrivent seuls. D’autres sont accompagnés de membres de leur famille, de passeurs ou d’adultes qui ne sont cependant pas nécessairement en mesure d’assurer leur protection et leur bien-être.
Les enfants séparés sont en grande majorité âgés de 15 à 18 ans, avec un pourcentage de garçons trois à quatre fois plus élevé que celui des filles. Ils présentent des besoins spécifiques en matière de santé, de développement, de construction identitaire et de projet de vie. Un encadrement adapté, une orientation vers les services adéquats et un suivi par une personne de référence qui puisse développer une relation de confiance avec le jeune sont essentiels.
L’organisation de la prise en charge des enfants séparés en Suisse relève de la compétence des cantons. Malgré l’adoption de la directive relative aux requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA) (3) visant à adapter la procédure aux exigences de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE) (4), d’importantes différences peuvent être observées d’un canton à l’autre en matière d’hébergement, d’encadrement, de soins et de formation.
La Fondation suisse du Service Social International (SSI) a lancé en 2012 le projet «Construire des perspectives d’avenir avec les enfants séparés» qui vise à renforcer et à harmoniser la prise en charge des enfants séparés dans les six cantons romands, en valorisant notamment les bonnes pratiques. Les cantons du Valais et de Vaud se sont dotés en 2004 et 2006 de foyers qui offrent un lieu de vie et un encadrement spécialisés (voir ci-dessous). Dans les autres cantons, les enfants séparés sont répartis entre des foyers pour requérants d’asile et des foyers éducatifs pour adolescents. L’hébergement avec d’autres requérants d’asile n’est en principe pas une solution adaptée en raison du mélange avec les adultes et du manque d’encadrement socio-éducatif. L’hébergement en foyer éducatif offre l’avantage d’un accompagnement individualisé et d’une bonne intégration sociale.
Toutefois, l’inégalité des chances réapparaît souvent rapidement entre les enfants séparés et les autres jeunes au niveau de l’accès à la formation et de la construction d’un projet sur le long terme.
Plusieurs cantons veillent aujourd’hui à renforcer leur prise en charge des enfants séparés. A Genève, une task force mandatée par le Conseil d’Etat examine les conditions de vie des requérants d’asile mineurs. Elle a soumis une série de recommandations en 2013 en s’appuyant sur les exemples des cantons de Vaud et du Valais et rendra un deuxième rapport en 2014. Autre exemple, les acteurs du canton de Fribourg ont réuni leurs compétences pour mettre en place un système de mentorat qui viserait à renforcer l’accompagnement des enfants séparés lors de leur arrivée dans le canton.
Une procédure accélérée?
Depuis le 1er février 2014, la loi sur l’asile prévoit que les demandes d’asile des enfants séparés soient traitées en priorité. Il convient néanmoins de veiller à ce que la situation du jeune et de son environnement soit évaluée de manière approfondie. L’objectif est en effet de déterminer une solution durable respectueuse de son intérêt supérieur, à savoir: la réinsertion dans le pays d’origine, l’intégration dans le pays d’accueil ou la réunification familiale dans un pays tiers. (4)
Pour ce faire, la recherche de la famille du jeune ainsi qu’une évaluation approfondie de la situation dans son pays d’origine devrait permettre, parallèlement à l’examen de la demande d’asile, d’évaluer les possibilités et les conditions d’un éventuel retour. Le cas échéant, une solution adaptée en Suisse ou dans un pays tiers devrait être trouvée avec le jeune dans le but de favoriser ses perspectives d’avenir.
Elodie Antony
Service social international (SSI)
Notes:
(1) Les enfants séparés sont des enfants de moins de 18 ans qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine, séparés de leurs parents ou de leur répondant autorisé par la loi/par la coutume (Définition du Programme en faveur des enfants séparés en Europe (PESE)).
(2) Statistiques 2013 de l’Office fédéral des migrations (ODM)
(3) Directive ODM 11.3 sur les requérants d’asile mineurs non accompagnés (RMNA).
(4) Commission européenne: Plan d’action pour les mineurs non accompagnés (2010-2014).
Deux foyers spécialisés en Suisse romande
Le Valais, cité en exemple par beaucoup, a créé le foyer du Rados qui offre aux enfants séparés un cadre de vie spécifique. En plus de l’encadrement quotidien par une équipe éducative, le Rados a mis en place un large réseau de partenaires qui facilite l’accès des jeunes à des stages, à un apprentissage, à un job d’été, aux loisirs et au contact avec la population locale.
L’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) dispose également d’un foyer pouvant accueillir 42 enfants séparés. Autre figure de bonne pratique en Suisse romande, les jeunes y ont accès à un réseau de soins performant, à un accompagnement scolaire et professionnel, à des activités récréatives et socialisantes ainsi qu’à une préparation de la sortie du foyer à l’approche des 18 ans.
[caption id="attachment_18309" align="alignleft" width="573"] Photo: Claire Littaye[/caption]
Expo et documentation
Une exposition consacrée aux enfants séparés a circulé en Suisse romande ce printemps. Elle donne la parole à cinq jeunes résidant au foyer pour mineurs non accompagnés le Rados, à Sion. Elle met en lumière les raisons de leur départ, le voyage jusqu’en Europe, la vie en Suisse ainsi que les projets et rêves d’avenir qu’ils nourrissent. Le SSI la met à disposition des organismes qui en font la demande.
Par ailleurs, le SSI diffusera prochainement un manuel proposant des standards et des outils pour une prise en charge de qualité des enfants séparés. Un projet qui devrait être étendu aux cantons alémaniques et au Tessin dès 2015.
Pour plus d’informations sur les enfants séparés en Suisse, cliquez ici.