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Law Clinic | Avis aux juges : être logé est un droit!

«Toute personne dans le besoin a droit d’être logée de manière appropriée». Le principe d’hébergement figurant dans la Constitution du canton de Genève garantit des conditions de vie minimales pour mener une vie digne. Par ailleurs, en ratifiant la Convention des droits de l’enfant, la Suisse se trouve dans l’obligation d’assurer un logement adéquat aux mineur.e.s se trouvant sur son territoire. A Genève, depuis quelques années, collectifs, associations et parfois politicien.ne.s dénoncent les solutions précaires et temporaires proposées par les autorités aux mineur.e.s non accompagné.e.s en matière de logement. La Law Clinic revient sur cette problématique en concluant sur le rôle prépondérant que devraient jouer les juges des instances supérieures genevoises. 

La Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables est un projet qui s’insère au sein du Master de droit de l’université de Genève. D’août à octobre le quotidien Le Courrier leur offre une tribune hebdomadaire pour mettre en valeur des aspects spécifiques de leur travail

Ci-dessous, nous reproduisons l’article complet du Courrier du 16.09.20 “Avis aux juges : être logé est un droit !“.  Cet article a été reproduit grâce à l’aimable autorisation du quotidien Le Courrier. L’accès à cet article ne doit pas faire oublier que l’information a un coût et ce sont les abonné-e-s au Courrier qui garantissent son indépendance.

Avis aux juges: être logé est un droit !

Le COURRIER, mercredi 16 septembre 2020 LAW CLINIC GENÈVE
JEUNES MIGRANT.E.S NON ACCOMPAGNÉ.E.S

Hiver, 13 janvier 2020. La Maison des Arts du Grütli est occupée par des personnes mineures migrantes arrivées seules en Suisse et par un collectif qui lutte pour leur prise en charge. Dans le hall du Grütli flotte une bannière sur laquelle on peut lire le slogan «Dignité pour les MNA et on s’en va…». MNA: c’est le sigle par lequel les mineur-e-s non accompagné-e-s sans autorisation de séjour sont désormais connu-e-s. Les médias relaient l’événement.

Quelques mois plus tôt, c’est devant le foyer de l’Etoile, structure controversée et réservée aux personnes mineures en procédure d’asile (RMNA), qu’on pouvait entendre scander: «On ne demande pas la lune, juste une vie digne!».

Comment héberger? Qui doit prendre en charge les MNA? Les autorités se renvoient la balle. Aux actions et prises de position de collectifs et d’associations, les autorités cantonales répondent par des solutions précaires et temporaires: hébergement dans des hôtels desquels les MNA peuvent être renvoyé-e-s à tout moment; logement de nuit exclusivement; solution plus durable pour quelques élus. Entretemps, on dort souvent dans la rue…
Des motions du Grand Conseil, des lettres ouvertes des collectifs et de la permanence juridique pour les MNA sont adressées au Conseil d’Etat. On répond par des communiqués de presse et par des rapports sur la situation et sur les solutions envisageables. Les avis se rencontrent ou se confrontent sur la meilleure manière de prendre en charge les mineur-e-s dont l’hébergement continue à faire défaut.

Il existe pourtant des impératifs. L’article 12 de la Constitution fédérale l’énonce en des termes clairs: «Quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.» En Suisse, aucune personne, qu’importe son statut légal, ne doit être abandonnée à la rue et acculée à un état de mendicité.

La République et canton de Genève a également inscrit le principe de l’hébergement de toutes et de tous à l’article 38 de sa Constitution: «Toute personne dans le besoin a droit d’être logée de manière appropriée.»

Aux garanties de conditions minimales pour une existence digne doit être conjuguée la prise en charge particulière à laquelle les personnes mineures ont droit. En ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant, la Suisse s’est engagée à assurer à tous les mineur-e-s se trouvant sur son territoire les soins nécessaires à leur bien-être, en particulier un logement adéquat.

Genève a vu de nombreux avis se rencontrer sur la manière dont les MNA devraient être logé-e-s. Une voix essentielle ne s’est néanmoins pas encore exprimée: celle des juges des instances supérieures genevoises, dont le rôle est de dire et de clarifier le droit.

Lorsque cette voix s’exprimera, par une décision de référence, on peut espérer qu’elle saura confirmer les garanties énoncées ci-dessus et clarifier aux autorités cantonales qu’en effet, comme les RMNA, les MNA «ne demandent pas la lune» mais réclament ce à quoi ils et elles ont droit: une solution d’hébergement durable et digne qui doit être mise en œuvre sans délai.

Les auteur.e.s de cette chroniques, Cansu Okçu, Naima Musse et Florian Thiébaut, sont des alumnae et alumnus de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’Université de Genève.