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EJN | Migration is back- are the media up to reporting the story?

Le réseau Ethical Journalism Network (EJN), basé en Angleterre, a organisé le 19 juillet 2021 un webinaire en ligne pour évoquer le traitement de la question migratoire par les médias. 6 interlocuteurs, journalistes ou observateurs·trices, ont échangé sur ces questions. Selon les organisateurs·trices, la façon dont les journalistes écrivent et rapportent la question peut avoir un effet profond sur la façon dont la société perçoit les migrants et dont les migrants se perçoivent eux-mêmes. Il est donc important de le conscientiser

La vidéo du webinair dans son intégralité est disponible ci-dessous ou en ligne. Nous reproduisons ci-dessous le compte rendu de David Hencke « Migration is back- are the media up to reporting the story? » disponible sur le site de EJN. Il est ici traduit en français par nos soins.

Journalism Ethical Migration

La migration est de retour. Les médias sont-ils à la hauteur pour en parler?

14.07.2021

Compte rendu traduit en français (VE)

La migration est une question controversée et les opinions peuvent être très opposées à son sujet. La façon dont ces opinions sont formées est façonnée en grande partie par les médias. Comme l’exprime Rizwana Hamid, directrice du Centre de surveillance des médias, qui a présidé le webinaire du EJN sur la couverture de la migration le 19 juillet, « ce que les gens savent de la migration provient en grande partie de ce qu’ils et elles lisent, entendent et voient dans les médias ». C’est pourquoi le EJN a organisé un webinaire, car la façon dont les journalistes écrivent et rapportent la question peut avoir un effet profond sur la façon dont la société perçoit les migrant·es et dont les migrant·es se perçoivent eux et elles-mêmes.

Le panel de cinq expert·es a couvert une multitude de questions. Ils et elles ont notamment évoqué le scandale Windrush, désormais bien connu, qui a vu des Afro-Caribéen·nes vivant au Royaume-Uni depuis 50 ans être expulsé·es illégalement; le traitement des demandeurs·euses d’asile entassé·es dans des camps insalubres; et l’arrivée de ressortissant·es de Hong Kong en Angleterre.

Le journaliste d’origine somalienne Jamal Osman, aujourd’hui correspondant de Channel 4 pour l’Afrique, a livré un témoignage personnel saisissant sur ce qu’il a vécu en tant que migrant pour venir travailler au Royaume-Uni.

Le tableau général de la migration a été dressé par Marzia Rango, coordinatrice de l’innovation en matière de données et du renforcement des capacités à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Berlin. Elle a révélé des chiffres surprenants et a déclaré qu’il fallait changer la façon de rendre compte des migrations. Selon la définition de l’ONU, les personnes qui travaillent et vivent dans un pays où elles ne sont pas nées sont au nombre de 281 millions. Parmi eux, seuls 26 millions étaient des réfugiées et un million des demandeurs·euses d’asile. La majorité d’entre eux et elles (60 % ) travaillaient, contribuaient à la vie du pays et envoyaient 540 milliards de dollars à leur famille restée au pays, soit plus que les investissements étrangers dans les pays en développement. En comparaison, le nombre de personnes migrantes arrivées au Royaume-Uni était de 132 000.

Amelia Gentleman, du Guardian, a raconté comment l’histoire du Windrush a commencé par un cas signalé par une organisation caritative, qui a fait « boule de neige ». Un an plus tard, il est apparu que le ministère de l’Intérieur avait mal classé les Afro-Caribéens présents au Royaume-Uni, les considérant comme n’ayant pas le droit d’y rester. La situation s’est aggravée lorsque les gouvernements qui se sont succédé après 2012 ont exigé que les gens prouvent leur citoyenneté avant d’avoir le droit de travailler, d’obtenir un traitement NHS, des prestations de sécurité sociale ou de louer une propriété. « Des milliers de personnes ont été touchées par cette situation, mais elle n’a pas fait l’objet d’une couverture médiatique suffisante et c’est un mystère pour moi qu’il en soit ainsi. Selon elle, le fait que les histoires d’immigration soient très compliquées, que les bureaux des députés soient surchargés de dossiers d’immigration, que la question de « l’immigration illégale » soit traitée de manière toxique et que les personnes elles-mêmes soient embarrassées à ce sujet, a pu contribuer à cette situation. « Le ministère de l’Intérieur était également catégorique sur le fait que c’était leur faute à eux et elles ».

Jamal Osman a décrit son expérience en tant que migrant de Somalie déchirée par la guerre lorsqu’il est arrivé au Royaume-Uni. « Ici, les puissant·es, les politicien·nes, une grande partie des médias, la droite, estiment qu’il faut s’en prendre à ces pauvres gens, qui ont assez souffert, et en faire l’ennemi ». Il raconte que lorsqu’il a eu son premier emploi de chauffeur de camionnette, il était le seul demandeur d’asile et ses collègues, après avoir lu le Sun ou l’Express, lui disaient « Jamal, qu’est-ce que tu fais à notre pays ». « Ils m’accusaient et disaient : regardez ce que vous faites, vous êtes de mauvaises personnes. » Selon lui, les journalistes ne savent pas que ce qu’ils écrivent affecte les gens. Il a ajouté que la situation a empiré depuis l’apparition des médias sociaux. « Pourquoi nous détestent-ils? Les médias leur font un lavage de cerveau ».

Chantal da Silva, une journaliste indépendante travaillant pour Channel 4 et le Bureau of Investigative Journalism, a raconté comment le ministère de l’Intérieur avait tenté de dissimuler les conditions épouvantables dans lesquelles se trouvaient les demandeurs d’asile à la caserne Napier lors d’une épidémie de Covid 19. Elle a découvert des documents sur Internet qui racontaient une histoire différente et Channel 4 a repris l’histoire. Elle souligne qu’en tant que freelance, il est difficile de faire publier des articles car la migration n’est pas souvent le sujet du jour.

Benedict Rogers, directeur général de Hong Kong Watch, un journaliste et militant des droits de l’homme, a déclaré que cinq millions de personnes pouvaient prétendre à un visa pour se rendre de Hong Kong au Royaume-Uni. Il s’attend à ce que 300 000 personnes viennent, mais il y a un certain nombre d’inconvénients. « Aucun des manifestants nés après 1997 n’est éligible et ne peut venir qu’en tant que demandeur d’asile ». Il a dit qu’il y a une idée fausse véhiculée dans les médias prétendant que tous les gens de Hong Kong sont bien éduqués et pouvent parler anglais, alors qu’il y a beaucoup de gens qui ne savent pas parler anglais et ne sont pas bien éduqués. Il s’attend à ce que ce soit un défi lorsqu’ils viendront ici, car le sentiment anti-chinois a augmenté, et il espère que cela ne se traduira pas par la crainte que les Hongkongais prennent leurs emplois, ce qui serait dangereux.

La session s’est terminée par une discussion animée au cours de laquelle les participant·es ont soulevé des questions telles que le fait que les journalistes ne dénoncent pas les politicien·nes qui font des déclarations racistes pour créer des divisions et que certain·es responsables ont déjà décidé du type d’articles à écrire sur les migrant·es, et que ceux-ci ne sont généralement pas positifs.