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Notre regard

Hasan venu d’ailleurs ou comment accueillir la différence

Mary Wenker, que les lectrices et lecteurs de Vivre Ensemble connaissent bien, sort avec Amélie Buri un livre pour enfant autour de l’accueil des réfugié·es et des parcours de jeunes exilé·es. Un album illustré accompagné d’un dossier pédagogique paru en partenariat avec Vivre Ensemble. L’idée est de permettre aux plus jeunes (8-12 ans), d’aborder une question sensible, celle de l’acceptation de l’autre- ici un jeune réfugié- dans sa différence.

Morteza, jeune Afghan de l’ethnie Hazara, a onze ans lorsqu’il se retrouve seul sur la route de l’exil. Sa famille, prise au piège dans une embuscade à la frontière irano-turque, n’a eu d’autre choix que de rebrousser chemin alors que l’enfant parvenait à déjouer l’attention des garde-frontières et à poursuivre sa route. Recueilli par des membres de sa communauté, Morteza affronte sans les siens de douloureuses étapes avant de pouvoir s’établir en Suisse comme réfugié mineur non-accompagné [1]Un mineur non accompagné (MNA) est un jeune de moins de 18 ans arrivé en Suisse sans être accompagné d’un adulte..

Quelques années plus tard, Mary Wenker rencontre par hasard la famille de Morteza dans un camp de réfugiés sur l’île de Chios, en Grèce. Lorsque les parents lui confient avoir un fils en Suisse, elle active ses liens et son réseau, permettant à la famille de démarrer une procédure de regroupement familial. Cette histoire, Mary Wenker l’avait décrite en 2020 sur le site asile.ch[2]Choosehumanity, Entre la Grèce et la Suisse, une famille séparée par des frontières injustes, Mary Wenker, 01.04.2020, asile.ch. La famille vit aujourd’hui réunie dans le canton de Berne.

L’album Hasan venu d’ailleurs s’inspire librement du parcours de Morteza, dont le pays d’origine n’est jamais nommé. Chacun peut ainsi élargir cette histoire à d’autres situations d’exils, celle de leur famille peut-être. De l’inscrire dans la dynamique migratoire qui s’observe à l’échelle planétaire. (extrait du dossier pédagogique, à retrouver en cliquant sur le QR code)


Hasan venu d’ailleurs, Mary Wenker et Amélie Buri,
Éditions Loisirs et pédagogie grandir, 2022
> En librairie dès octobre 2022 ou à commander sur
le site de Loisir et pédagogie, au prix de 26 frs.

Questions à Mary Wenker

Pourquoi avoir écrit « Hasan venu d’ailleurs » ?

Confrontée depuis plus de 6 ans maintenant à la misère dans laquelle vivent les enfants réfugiés des camps en Grèce, il m’importait de créer un outil qui permette aux enfants d’ici de comprendre les réactions parfois « particulières » des jeunes réfugiés lorsqu’ils débarquent chez nous. J’ai rédigé cette histoire en pensant à plusieurs enfants avec qui je suis encore en contact. Morteza, qui a fait seul à 11 ans la route de l’exil. Masha, qui à 14 ans n’a pas été scolarisée depuis des années, et vient d’intégrer une classe en France. Karam, traumatisé par les bombardements dans son pays d’origine au point d’être devenu mutique, et de se cacher à chaque passage d’avion.

Intégrés dans des classes régulières, ces enfants sont souvent en grand décalage avec les normes de notre système scolaire. Mais ils sont porteurs de connaissances que leur chemin de vie leur a permis d’acquérir, et qu’il importe de reconnaître. Mieux saisir le parcours de ces jeunes permettra sans doute à la société d’accueil de les accueillir avec plus de bienveillance et moins de jugement.

Tout au long de l’histoire, des questions ouvertes sont posées à la personne qui découvre le livre. Pourquoi ce choix ?

Il m’importe qu’un livre ou un film permette de nous ramener à nos propres réalités. Les questions posées ont pour objectif de susciter ouverture et curiosité. Mais aussi de se décentrer en imaginant ce que l’autre peut ressentir, d’exprimer ses propres émotions, ses propres ressources. Ces questions permettent également des débats intéressants entre enfants, ou adultes et enfants.

Comment l’articulation entre écriture et illustration s’est-elle déroulée ?

J’avais déjà travaillé avec Amélie Buri sur mon livre précédent « Camille aux papillons », un livre qui aborde la transidentité. J’ai aimé ses illustrations bien sûr, mais aussi sa sensibilité, son ouverture. Illustrer un texte implique pour toutes les deux un dialogue, des échanges. Amélie a fait de premiers croquis, que nous avons parcourus. Je lui ai demandé d’apporter des modifications, car ce qu’elle avait dessiné ne correspondait pas à ce que j’avais vu dans les camps et lui ai fourni des photos que j’avais prises là-bas. Amélie m’a suggéré aussi quelques modifications de textes, afin que cela s’articule mieux avec le dessin. C’est un voyage passionnant que de cheminer ensemble.

 « Hasan venu d’ailleurs » pourrait-il être utilisé en classe ?

Bien sûr. Nous avons même élaboré un dossier pédagogique, accessible en ligne. L’histoire pose des jalons qu’il importe de creuser. Le dossier comporte des activités clés en main pour le jeune public (lié au Plan d’études romand (PER)), des informations qui s’adressent plus aux adultes, et des liens avec des instances, organismes, associations actives dans le domaine de la migration.

Propos recueillis par Sophie Malka

Notes
Notes
1 Un mineur non accompagné (MNA) est un jeune de moins de 18 ans arrivé en Suisse sans être accompagné d’un adulte.
2 Choosehumanity, Entre la Grèce et la Suisse, une famille séparée par des frontières injustes, Mary Wenker, 01.04.2020, asile.ch