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Notre regard

Parrainages de jeunes sans famille. Une aventure humaine

Anne-Claude Ghirardi et Daniel Traub

L’arrivée en grand nombre de nouveaux jeunes «requérant·es d’asile mineur·es non accompagné·es » en Suisse (p.17) nous invite à remettre le projecteur sur cette forme d’action solidaire, concrète, que sont les familles-relais ou parrainages[1]Voir à ce propos Nicole Eckmann, « Témoignage | Être famille-relais, une démarche citoyenne ». Que représente cet engagement ? À Genève, Anne-Claude Ghirardi et Daniel Traub se sont lancé·es dans l’aventure avec quelques proches il y a 7 ans. La plupart des adolescent·es concerné·es résidaient au foyer de l’Étoile, lieu très isolé et inadapté selon les nombreuses expertises. Il s’agissait de leur offrir un cadre plus humain, des repères autres que ceux de leur lieu d’habitation et de l’administration. Une centaine de familles ont ainsi ajouté un couvert, quelques fois par semaine, à leur foyer. Chacune a développé une relation singulière avec le ou la jeune. Alors que l’Association des médiatrices interculturelles (AMIC), qui a repris la gestion du réseau en 2020, évoque déjà une dizaine de jeunes en attente de famille à la fin de l’année 2022 (encadré), nous publions ces réflexions de l’une d’elles autour de l’accueil. Afin d’en encourager d’autres à faire le pas. (réd.)

Ouvrir les portes, lourdes, de la famille, du pays, du passé. Interroger les évidences, les facilités et les paresses. Images de soi, mythes fondateurs. C’est à cela que nous pousse l’Autre. La rencontre nous bouscule, nous confronte, nous met en mouvement.

Accueillir une personne qui a quitté ses parents, ses racines, sa région, c’est tenter la migration intérieure. Ces arrivées nombreuses, diverses, variées nous interrogent, mettent à mal nos certitudes. N’oublions pas d’où nous venons. Informés de la mise en place d’un réseau de parrainage, nous décidons de participer à ce projet citoyen.

Accueillir ?

2016 Noah sonne à notre porte. Il est âgé de 14 ans. Un traducteur l’accompagne. À compter de ce jour, il partage avec nous trois repas de midi par semaine. Nous ne parlons pas la même langue, qu’importe. L’apprentissage se fait lentement, par le jeu, la régularité et la constance des rencontres. Petit à petit, avec le temps, l’alchimie opère. On apprend à se connaître. Il nous accueille autant que nous l’accueillons. Ses réactions, ses questions nous bousculent dans nos postures problématiques de personnes qui sauvent, qui «font le bien».

2019 Peu après le suicide d’Ali Reza au Foyer de l’Étoile, nous découvrons par des témoignages dans quelle violence institutionnelle Noah vit. Nous lui proposons de quitter cet environnement délétère et de venir vivre chez nous. C’est alors qu’il commence à se confier, à raconter le racisme systémique, les brimades quotidiennes à l’Étoile. Nous entrons dans une nouvelle dynamique: la confiance s’installe et l’attachement peut se faire.

Ensuite, c’est le quotidien: les interactions avec les autres membres de la famille, les copains, les devoirs, les rhumes. Il y a aussi les réveils difficiles, les coups de blues, l’incompréhension face au système de l’asile, sa lourdeur et sa bêtise. Il y a aussi les rencontres avec des fonctionnaires (Niat, Esther, Franck et les autres) qui mettent la personne humaine au centre de leur travail. Il y a aussi les nombreuses familles qui se lancent dans la dynamique du parrainage ou de l’accueil. Il y a aussi les associations, les groupements informels dans le canton de Genève, en Suisse romande ou en Suisse qui nous informent, soutiennent, encouragent.

Parrainer, accueillir c’est refuser l’insulte faite par l’Europe et par la Suisse aux humains qui ont besoin de trouver asile.

Parrainer, accueillir, c’est se lancer et faire confiance.

Au souvenir de qui je fus,
je vois un autre,
Et le passé n’est le présent
qu’en la mémoire.
Qui je fus est un inconnu que j’aime,
Et qui plus est, en rêve seulement.

Fernando PESSOA, Se recordo qem fui
Photo de Neil Thomas sur Unsplash

PARRAINER UN·E JEUNE RÉFUGIÉ·ES : L’AMIC recherche des familles-relais !

Shafiguallah, Romane et Pierre-Henri | photo AMIC

Destiné aux jeunes réfugié·es non accompagné·es âgé·es de 15 à 25 ans, le programme de parrainage propose une mise en relation d’un·e jeune avec des familles ou personnes vivant à Genève.

L’objectif du programme est de créer la rencontre et l’échange grâce à des moments conviviaux autour d’un repas, de loisirs ou d’activités culturelles et sportives.

De plus, l’accès à une famille-relais facilite beaucoup l’apprentissage du français. En complémentarité avec d’autres mesures d’inclusion et d’intégration mise en place, le parrainage est une belle opportunité pour soutenir le quotidien de ces jeunes.

Les différents retours d’expériences ont montré à quel point ces rencontres peuvent faciliter le processus d’intégration.
Pour parrainer un jeune ou pour plus d’infos: parrainage@amicge.ch ou sur le site: amicge.ch/parrainage-marrainage/

AMIC, Association de médiatrices interculturelles.

DANS LES AUTRES CANTONS…

Le Service social international, qui a coordonné cette action jusqu’en 2020, répertorie de nombreuses associations proposant des parainages en Suisse sur son site: ssi-suisse.org/fr/soutien-aux-projets-de-parrainages/334
Y sont citées notamment PARmi (FR), Paires (VD), Be hôme (NE)… Auxquelles il faut ajouter Action parrainages (VD) et l’Association Nela.


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