Solidarité Tattes | #StopDublinCroatie. Des renvois inacceptables (1/5)
L’association Solidarité Tattes a recueilli à Genève une série de témoignages qui seront publiés dans le quotidien Le Courrier durant le mois de juin sous forme de chronique. Les récits sont ceux de personnes menacées de renvoi Dublin vers la Croatie, un pays dans lequel elles ont subi des pushback et de graves violences à la frontière. Les associations de défense des droits humains actives dans l’asile sont unanimes à appeler à renoncer à de tels renvois, d’autant plus pour les personnes vulnérables ou ayant été traumatisées du fait des violences subies. Les risques de refoulement en chaîne en raison du faible taux de protection octroyé en Croatie pour des personnes originaires de pays notoirement problématiques au niveau des droits humains sont soulignés.
Avec l’aimable autorisation de Solidarité Tattes et du Courrier, nous republions ces témoignages. En bas de l’article, retrouvez également de la documentation récente sur la thématique Dublin Croatie.
Depuis mars 2023, des requérant·es d’asile contactent Solidarité Tattes en nous expliquant leur frayeur à l’idée de devoir subir un renvoi vers la Croatie. Que faire? Nous les accompagnons dans leurs démarches administratives et juridiques et nous appelons les autorités cantonales à refuser d’exécuter les renvois – une décision qui est tout à fait de leur ressort! Nous souhaitons également que les histoires de ces personnes menacées de renvoi soient connues largement. Que les habitant·es de Genève soient conscient·es de ce qui se passe sous leur nez: l’angoisse de l’attente d’un renvoi encadré par la police, l’horreur d’enfants arrachés à leur classe, séparés de leurs parents.
Merci au Courrier de nous avoir autorisé à publier leur chronique de cinq témoignages. Elles sont à lire chaque jeudi dans leur journal ou sur leur site
Violences en Croatie
En novembre 2022, plusieurs groupes (les collectifs Droit de Rester romands et Solidarité sans frontières) soutenaient des personnes menacées de renvois en lançant la campagne #Stop Dublin Croatie. Premiers pas effectués: le lancement d’une pétition adressée au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), des articles de presse, des témoignages, des manifestations, des réunions hebdomadaires… Les efforts n’ont été ménagés ni du côté des personnes en danger ni du côté des militant·es.
Ce que dénoncent les personnes menacées de renvoi? L’obligation de devoir retourner dans un pays par lequel elles sont déjà passé·es et où elles ont subi des violences de toutes sortes: sexuelles, privation de nourriture, tabassages, non accès aux soins… Des mères ont passé dix jours sans lait en poudre pour leur bébé. Des familles ont été refoulées de la frontière croate vers la Bosnie-Herzégovine, alors que ces pushbacks constituent une violation du principe international de non-refoulement.
Règlement Dublin: l’outil de la Suisse forteresse
Face à un tel enfer, on peut se demander comment la Suisse réussit à justifier les déportations de migrant·es. C’est simple: elle use et abuse des fameux Accords de Dublin, ce règlement européen qui régente l’asile au sein des pays membres de l’espace Schengen. La règle? Le premier pays européen par lequel la personne transite est celui en charge de traiter sa demande d’asile.
Alors le SEM cherche la faille: des empreintes digitales dans la base de données Eurodac, des tickets de bus de Zagreb dans une poche, un papier rédigé en italien… les moyens sont nombreux et opaques pour déterminer qui se verra épingler «Dublin» en déposant sa demande d’asile. Le résultat est direct: il conduit à une non-entrée en matière sur la demande d’asile, à l’enfermement dans un centre fédéral de renvoi et à l’avion.
Aujourd’hui, l’Italie et la Grèce refusent les renvois Dublin vers leur territoire, parce qu’elles se voient attribuer tant de personnes qu’il leur est impossible de les accueillir dignement. Le SEM a donc trouvé une nouvelle faille du côté de la Croatie.
Pourtant, il est possible d’agir autrement. Les décisions de non-entrée en matière
Dublin seraient évitables si la Suisse activait la «clause de souveraineté», soit l’art. 17 du règlement Dublin III1. Mais cela sous-entendrait que l’asile est un droit. Or, la politique d’asile helvétique ne vise pas à garantir ce droit, mais à contrôler les arrivées des exilé·es, à les limiter et, pour cela, à trouver le moyen de les renvoyer au plus vite.
Et Genève dans tout cela?
A Genève, pendant quelque temps, il y a eu moins d’arrivées de personnes menacées de renvois Dublin. Mais, depuis la guerre en Ukraine, les choses ont changé car le SEM est moins rapide à rendre des décisions. Nous recommençons donc à voir arriver ces personnes, à pouvoir les rencontrer, les connaître et, si possible, les soutenir.
Nous devons dire «non» aux renvois Dublin. Non aux renvois de personnes, peu nombreuses au demeurant, qui réclament seulement leur droit à l’asile. Au cours des quatre prochaines semaines, vous retrouverez dans Le Courrier de nouveaux épisodes #Stop Dublin Croatie qui présenteront des portraits de personnes menacées de renvoi à travers les témoignages de leur vécu migratoire.