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Comptoir

Une Suisse à 9 millions d’habitant·es. Qu’est-ce qui a changé ?

Sophie Malka & Elodie Feijoo

Un cap attendu

Le 20 septembre 2023, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié les chiffres de la population résidante permanente en Suisse à la fin du deuxième trimestre. Un effectif s’élevant à 8 902 308 personnes à la fin juin (contre 8 815 385 à fin 2022) [1]https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population.html. Le jour même, la presse se faisait l’écho du dépassement de la barre symbolique des 9 millions de personnes résidantes en Suisse. Comment expliquer ce décalage ? L’ajout, pour une fois, dans le décompte réalisé par les médias, de la population étrangère résidante non permanente qui s’élève à 104’365 personnes. Une catégorie où figuraient en tête, dans l’ensemble des articles, les demandeurs·euses d’asile, certains laissant même croire qu’ils·elles constituaient l’entièreté de cette population résidante non permanente. Un exemple interpelant pour qui connaît les effectifs réels de l’asile. Ces derniers pèsent-ils vraiment tant que ça ? Pas vraiment, selon les données de l’OFS qui nous a fourni les chiffres précis.

La population résidante non permanente

Selon l’OFS, la population non permanente regroupe toutes les personnes étrangères résidant en Suisse depuis moins de 12 mois. Les requérant·es d’asile (titulaires d’un permis N) n’y représentent que 10,6% du total, soit 11’052 des 104’365 personnes.  En réalité, plus de la moitié (52%, soit 54’652 personnes) des résidant·es non permanent·es proviennent de l’UE/AELE et sont titulaires d’un permis de travail de courte durée (permis L). S’y ajoutent également les personnes réfugiées d’Ukraine titulaires du statut S (18.8%, soit 19’669 personnes), et des personnes ayant reçu une protection sous la forme d’un livret F (3.9%, soit 4’042 personnes) ou encore environ 14’000 autorisations de résidence non attribuées. Pour rappel, la population résidante non permanente, dans son ensemble, ne représente que 1.16% des 9’006’664 résidant·es que compte la Suisse.

Un rôle exagéré, loin de la réalité

Dans les faits, et si l’on s’en tient aux chiffres, les requérant·es d’asile n’ont pas, à eux·elles seul·es, fait « basculer » la Suisse à l’ère des 9 millions d’habitant·es ! Et puisqu’il s’agit de s’interroger sur la population totale de la Suisse, il conviendrait de se rappeler que l’ensemble des demandes d’asile déposées en 2022 ne pèsent pas lourd dans la balance. Même en ajoutant l’ensemble de la population issue de l’asile, y compris les personnes titulaires d’un statut de réfugié·es B ou C, celle-ci représente à peine 1,6% de la population…

Une rhétorique de l’invasion et des élections fédérales en approche

Titrer sur la Suisse à 9 millions en mentionnant les requérant·es d’asile en exemple de façon répétée comme l’a fait l’ats dans sa dépêche reprise par de nombreux titres (Le Temps, RTS info, RTN) contribue à alimenter l’idée fausse d’une Suisse « envahie » par les demandes d’asile. L’UDC en a fait son thème de prédilection dans la campagne actuelle aux élections fédérales et lancé une initiative (de plus) visant à limiter l’immigration. Offrir – involontairement – une vision erronée du phénomène, n’est donc pas sans conséquences. Contactés par notre association, le 20 minutes, le Blick, et RTS info ont rapidement réagi pour modifier les informations erronées. Nous sommes dans l’attente de réponses d’autres médias romands, et espérons qu’ils auront à cœur de permettre au grand public de se forger une opinion basée sur des éléments factuels. Et ne pas faire le jeu de l’instrumentalisation de la thématique de l’asile dans la course aux élections fédérales.

Ressources supplémentaires 

Ci-dessous, un rappel visuel de ce que représente la population issue de l’asile en Suisse


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Notes
Notes
1 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population.html