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Emploi

Guy Gaudard : « Ces jeunes veulent bosser et rester dans l’entreprise »

Propos recueillis par Laurine Jobin

Rendez-vous est donné dans les hauts de Lausanne, chez Gaudard Énergies. Cette Société générale d’électricité emploie une cinquantaine de personnes, «dont plus de seize nationalités» ajoute son fondateur, Guy Gaudard, également député PLR au Grand Conseil. Il participait le 27 avril dernier à la Conférence romande sur l’asileautour du thème: «Permis F: quels horizons et quels obstacles?» Nous souhaitions le revoir, pour en savoir plus sur son expérience d’employeur ayant recruté plusieurs personnes issues de l’asile, notamment pour des apprentissages. Il nous raconte, accompagné de Eti Seyed Ehtesham Addin Forouzanmehr, qui réalise aujourd’hui un apprentissage.

Pourquoi avez-vous décidé d’engager des personnes relevant de l’asile?

Guy Gaudard : Parce qu’on peut compter sur leur fiabilité, leur envie de travailler, d’apprendre et de rester au sein de l’entreprise. Ce sont parfois des valeurs qui peuvent manquer à notre jeunesse. On entend que les personnes issues de l’asile sont oisives. C’est un slogan politique. La plupart veulent travailler et s’intégrer. Et elles ont des compétences. Nous devons leur proposer un travail, pour les faire sortir de l’aide sociale et leur permettre d’être actives au sein de notre société et économie.

Vous avez engagé un demandeur d’asile comme apprenti. Titulaire d’un permis N, il n’avait donc pas encore reçu de réponse sur sa demande d’asile. N’aviez-vous pas de crainte d’investir en lui et qu’il soit ensuite renvoyé dans son pays?

Non, non. Une seule fois nous avons frôlé le départ d’un employé, qui allait perdre son permis. Mais les choses sont ensuite entrées dans l’ordre. Les autorités ont été à l’écoute. Dans une autre situation, c’était un apprenti qui venait d’obtenir son CFC mais à qui on refusait le droit de travailler. Engager des personnes issues de l’asile a toujours été une bonne chose pour l’entreprise, et pour l’équipe.

Justement : comment les différences culturelles se vivent-elles au sein de l’entreprise ?

L’ambiance est très bonne. Et c’est lors des matchs de foot que cela ressort le plus! Évidemment, il faut tenir compte des sensibilités de chacun·e. Selon les pays d’origine, il peut y avoir des tensions. Il faut organiser les équipes en fonction.

Avez-vous dû mettre en place quelque chose de spécial dans l’entreprise ?

Le niveau de français à l’oral et à l’écrit est le plus grand défi. Avec la recherche d’un logement. En plus des cours de français dispensés par l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants), nous proposons aux apprentis de suivre des cours d’appui. C’est une bénévole qui les accompagne. Et bien évidemment, c’est un investissement en temps, en encadrement. Je me suis par exemple porté garant pour un appartement. On ne peut dire «j’ai besoin de vous pour mon entreprise» et les laisser se débrouiller seuls. Ces apprenti·es sont confronté·es à un tas de facteurs inconnus. L’accompagnement peut prendre du temps, 2 ans je dirais, mais c’est un investissement qui en vaut la peine: ces jeunes veulent bosser et rester dans l’entreprise.

Pouvez-vous nous parler à nouveau du parcours de cet apprenti iranien, dont vous avez mentionné l’expérience à la Conférence sur l’asile ?

Le mieux c’est qu’il vienne lui-même en parler.

Guy Gaudard se lève pour inviter Eti Seyed Ehtes-ham Addin Forouzanmehr à nous rejoindre. Il s’assied avec nous.

Eti Seyed Ehtesham Addin Forouzanmehr, pouvez-vous nous expliquer pourquoi avoir un jour sonné chez Gaudard Énergies ?

Ayant étudié en Iran, je voulais poursuivre mes études universitaires en Suisse. Mais on m’a dit que mes diplômes n’étaient pas reconnus. Je devais donc changer d’idée, et comme je ne voulais pas rester à la maison à ne rien faire, il fallait trouver un travail. J’ai envoyé plus de 80 postulations. Presque toujours, on me répondait que mon CV était très bon, mais que…. Ça ne fonctionnait pas.

Avez-vous reçu des explications précises ?

Non, pas vraiment. Mais je pense que le permis N n’était pas évident pour les employeurs. Or, un jour, une connaissance me parle de M. Gaudard, un entrepreneur qui est accessible. Je suis donc venu le voir. Il m’a d’abord engagé pour un stage. Puis, j’ai pu commencer un préapprentissage, puis un apprentissage. C’était un miracle qu’on m’engage avec un permis N!

Guy G.: il faut dire qu’Eti alignait les 6 aux examens. Les examinateurs se demandaient comment c’était possible; on avait peur qu’il s’ennuie.

Eti F.: j’ai commencé comme apprenti électricien de montage, puis comme ça marchait bien et que c’était facile, je suis monté de niveau pour devenir installateur électricien. Et comme ça allait toujours bien, j’ai demandé à faire l’apprentissage de planifi-cateur électricien, le 3e[et plus haut] niveau, et l’entreprise a accepté. Je remercie l’équipe pour son soutien.

Et quels sont vos objectifs maintenant ?

Je veux terminer mon apprentissage et ensuite on m’a dit que je pouvais demander le permis B [actuellement Eti est titulaire du permis F]. Pour la suite, j’ai plein de projets associatifs, de hobbies. J’aime apprendre. Mais ce sera pour après.

Et si vous aviez un message à faire passer aux personnes issues de l’asile qui cherchent un travail, quel serait-il ?

[Il réfléchit] Un message? Il faut commencer! Et ne pas se décourager.

Et vous M. Gaudard, si vous aviez un message à faire passer ?

J’estime qu’il n’y a aucune raison de priver quelqu’un de son droit de travailler. Permis N ou F, ils en ont le droit.

Permis F et B réfugié·e

Il n’existe aucune restriction à l’entrée sur le marché du travail.

Toutes les infos sur les démarches et contacts utiles.

Permis N et droit au travail

Les titulaires du permis N ont l’interdiction de travailler tant qu’ils séjournent dans un Centre fédéral d’asile (CFA), soit au maximum 140 jours. Une fois attribué·es à un canton, les titulaires de permis N ont le droit de travailler. L’entreprise qui veut recruter un permis N doit demander une autorisation auprès de l’autorité cantonale compétente. L’autorisation dépend de la situation sur le marché du travail local et des secteurs d’activités. À compétences égales, les personnes déjà résidentes en Suisse sont en principe prioritaires.