1.2 Priorité à la main-d’œuvre indigène ?
Les personnes relevant du domaine de l’asile font-elles partie de la « main-d’œuvre indigène » ? Oui, à l’exception des demandeur·euses d’asile.
La Constitution fédérale parle de « préférence nationale » et entend fixer des plafonds et des contingents pour le séjour des étrangers en fonction des intérêts économiques de la Suisse. [1]Constitution fédéral, article 121a https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#art_121_a, page consultée le 14.07.2025. On parle aussi de main-d’œuvre indigène, qu’il conviendrait de privilégier sur toute candidature étrangère. Des termes et des concepts qui peuvent semer la confusion et pousser des employeur·euses à rejeter des candidatures de personnes réfugiées ou admises provisoirement. Étiquetées comme « étrangères », ces personnes ne feraient pas partie de la « main-d’œuvre indigène » et ne pourraient pas être engagées.
Or, aux yeux de la loi, les personnes titulaires d’un permis B-réfugiés, d’un permis F (réfugié ou pour personne étrangère) ou d’un statut S, font partie des travailleur·euses en Suisse et donc de la « main-d’œuvre indigène ». Ces personnes, tout comme les apatrides, ne sont pas comptées dans la catégorie des « étrangers » et peuvent être engagées au même titre qu’une personne de nationalité suisse. « Préférence nationale » ne veut pas dire « nationalité suisse seulement », mais « main-d’œuvre locale ».
Exception : les demandeur·euses d’asile (permis N) ne sont pas considéré·es comme « travailleur·euses en Suisse ». Par contre, si la personne obtient un statut par la suite (permis B-réfugié ; permis F ou statut S), elle sera également comptée comme main-d’œuvre indigène.
« Préférence indigène », de quoi parle-t-on ?
Ce que dit l’article 121a de la Constitution
L’article 121a de la Constitution fédérale suisse, entré en vigueur le 9 février 2014 à la suite de la votation sur l’initiative « Contre l’immigration de masse », introduit la notion de contingent pour certains secteurs d’activités, auquel cas un principe de priorité parmi les travailleur·euses s’applique.
Pour les branches d’activités soumise à des contingents, la loi fait la différence entre les travailleur·euses en Suisse et les personnes qui ne seraient pas déjà installées en Suisse.
Parmi les personnes « déjà en Suisse », on compte les personnes de nationalité suisse, les personnes dites « étrangères » avec un permis C, B ou L, les personnes reconnues comme réfugiées, admises à titre provisoire ou à protéger (on ne compte pas les permis N, voir ci-dessous). Parmi les personnes qui ne sont pas déjà installées en Suisse, on compte les étrangères et étrangers originaires d’un pays de l’UE/AELEet celles en provenance d’un Etat tiers (hors UE/AELE).
Une entreprise devra d’abord explorer dans le groupe des personnes déjà en Suisse et sur le marché européen (Accord sur la libre circulation des personnes oblige) avant de se tourner vers une candidature en provenance d’un Etat tiers. Il s’agit d’une préférence « interne », ou « indigène », et « européenne ». Le marché suisse du travail ne s’ouvre qu’en dernier recours aux personnes en provenance d’Etat tiers (pas déjà installées en Suisse).
Pour les métiers « contingentés », les personnes en Suisse -dont les personnes relevant du domaine de l’asile font partie (excepté les titulaires d’un permis N)- sont « prioritaires », avec les étranger·ères de l’UE/AELE, par rapport à des étranger·ères provenant d’État tiers (hors UE/AELE et Royaume-Uni compris).
Pour engager une personne étrangère issue d’un État tiers dans une fonction soumise à contingent, une entreprise devra prouver qu’elle n’a pas trouvé les mêmes compétences (souvent des spécialistes) parmi les travailleur·euses en Suisse.[2]« Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a … Lire la suite
Les permis « N » ne sont pas soumis, concrètement, au principe légal des contingents, mais leur autorisation de travailler dépend tout de même de la situation sur le marché du travail et les personnes « déjà installée en Suisse » sont prioritaires. Une entreprise peut engager un permis N seulement si elle prouve ne pas avoir trouvé les compétences recherchées parmi les personnes déjà installées en Suisse. C’est souvent le cas dans les domaines avec pénurie de main d’œuvre. Concrètement, pour engager une personne avec un permis B-réfugié, un permis F ou un statut S, une entreprise n’a pas à se soucier du principe du « contingent. ».
« Avec le permis F, quand je frappais à chaque porte, c’était « Mais vous avez un permis F madame, qu’est-ce que c’est ? » Beaucoup d’entreprises ne savaient pas ce que c’était un permis F. En tout cas à l’époque, maintenant, je ne sais pas trop comment l’information est passée. Et il y a aussi le regard de la population : les gens sont un peu sceptiques. Ils ont peur de ceux qui ont le permis F. C’est quoi le permis F, pourquoi tu as le permis F ? Et pour des raisons personnelles, c’est souvent difficile de raconter le pourquoi on a le permis F »
Surnitha Tchountie, en cours de formation d’assistante socio-éducative et titulaire d’un permis B depuis 2024 après plusieurs années avec un permis F Témoignage complet: Point presse migration 05.06.2025 « L’admission provisoire (permis F) et ses contradictions »
Notes
| ↑1 | Constitution fédéral, article 121a https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr#art_121_a, page consultée le 14.07.2025. |
|---|---|
| ↑2 | « Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé. », article 21 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr#art_21, page consultée le 14.07.2025. |