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Solidarité Tattes | La lutte paye: les autorités genevoises renoncent à renvoyer M.K.

Un comité de soutien s’était mobilisé auprès des autorités genevoises demandant de renoncer au transfert vers la France de M.K. L’écho important de cet appel a permis le 16 mars 2022 la décision d’annulation du transfert. Reconnue comme « potentielle » victime de traite d’êtres humains par les autorités fédérales, M.K. avait fui la France et trouvé refuge chez son frère établi en Suisse. Un transfert Dublin aurait anéanti les efforts de stabilisation et d’intégration développé par cette femme et son réseau de soutien. Les conditions des « Dubliné·es » en France sont difficiles car elles ne garantissent ni logement, ni aide durant de longs mois ce qui aurait augmenté le risque de cette femme déjà fragilisée. Pour rappel, la Suisse a ratifié en 2013 la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite d’êtres humains (RO 2013 475).

Le communiqué de presse « Les autorités genevoises s’apprêtent à renvoyer M.K., femme victime de traite! » a été envoyé par Solidarité Tattes le 11 mars 2022. Le collectif vous propose de réagir en envoyant une lettre aux autorités genevoises (modèle disponible ici).

Communiqué de presse – 11 mars 2022

Les autorités genevoises s’apprêtent à renvoyer M.K., femme victime de traite !

Les autorités genevoises s’apprêtent à renvoyer M.K., femme érythréenne victime de traite d’êtres humains, au nom des accords de Dublin.

M.K. a fui l’Erythrée en 2007, pour des raisons politiques. Elle s’est rendue au Liban, où elle a été captive d’une riche famille libanaise qui l’a exploitée et maltraitée pendant près de 10 ans. Son passeport était entre les mains de la famille « employeuse ». M.K. était victime d’insultes, de menaces et de violences, n’avait ni congés, ni le droit de sortir, même pour voir un médecin, et recevait un salaire mensuel de 250 à 275 dollars pour des horaires de travail de 18h par jour.

En 2018, ses « employeurs » sont allés passer des vacances en France et l’ont emmenée avec eux. À cette occasion, elle a trouvé le courage de s’enfuir et a rejoint la Suisse, où vit son frère qui est au bénéfice d’un permis B. M.K. a cru que son calvaire était enfin terminé et qu’elle allait pouvoir commencer à vivre normalement, en parlant et rencontrant des personnes, en sortant librement.

Elle dépose une demande d’asile en Suisse et est reconnue comme « potentielle » victime de traite d’êtres humains par les autorités fédérales. Pourtant, elle reçoit une décision de renvoi Dublin vers la France ! C’est par hasard qu’elle trouvera de l’aide auprès d’un service spécialisé qui assurera sa défense. Après 3 ans et demi de bataille juridique, les autorités suisses restent sur leur position : M.K. va être renvoyée vers la France ce vendredi 18 mars 2022.

Mortaza Shahed Unsplash

Un rappel utile : la Suisse a ratifié en avril 2013 la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite d’êtres humains (RO 2013 475). Cette Convention vise à prévenir et combattre ce fléau tant sur un niveau national qu’international. Fondée sur les droits de la personne humaine, la protection des victimes est mise au premier plan. En particulier, la Suisse s’est engagée, en cas de renvoi, à assurer la sécurité mais aussi garantir le respect des droits et de la dignité humaine des personnes victimes de traite (art. 16 al.2).

Cela fait maintenant 3 ans et demi que M.K. vit à Genève, où elle a enfin pu faire des rencontres, où elle peut compter sur le soutien de son frère et où un suivi médical l’aide à faire face à la vie malgré son parcours difficile.

Ce renvoi vers la France vient anéantir tous les efforts faits par M.K. durant ces 3 ans et demi en Suisse pour se reconstruire. La réalité des personnes « dublinées » vers la France est connue et documentée par plusieurs ONGs : les personnes « dublinées » doivent se débrouiller pour trouver un logement durant plusieurs mois avant qu’une place en foyer ne leur soit attribuée et la continuité des soins n’est pas garantie. Pour M.K., une rupture de la continuité des soins serait désastreuse et ce renvoi signifierait aussi qu’elle ne pourrait plus bénéficier du soutien de son frère. Vulnérable et livrée à elle-même – sans un logement, ni assistance – les risques d’être re-exploitée sont très importants, voire inévitables. Ce renvoi ne respecte pas les engagements internationaux pris par la Suisse.

Nous demandons aux autorités fédérales et au Conseil d’État genevois de surseoir à ce renvoi. M.K. a le droit de rester en Suisse et de s’y reconstruire.

Solidarité Tattes
Alain Bolle, directeur du CSP Genève
Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale