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Notre regard

Burundi | Délicate reconstruction d’un petit pays

Ana Valle

Le Burundi vit des situations de crises récurrentes depuis les années 1960. La guerre civile de 1993 entre l’armée, dirigée par l’ethnie tutsi, et les rebelles de l’ethnie hutu mettra longtemps à panser ses plaies. Un long processus de paix, marqué par l’accord de paix d’Arusha en 2000, aboutira à l’instauration d’une république multipartite obligeant institutions et partis politiques à respecter des quotas entre communautés.

Entre crises sociopolitiques…

Dès 2015, le pays connaît une crise politique majeure. Les élections générales se déroulent dans un climat tendu car contestées par l’opposition et la société civile. Les violences provoquent depuis 2015 la fuite de plus de 400 000 réfugié·es burundais·es [1]HCR, La crise des réfugiés burundais ne doit pas être oubliée, 07/02/2018. principalement vers les pays voisins. L’instabilité politique, l’insécurité et la suspension de l’aide extérieure (48 % du revenu national en 2015) ont eu un impact important sur l’économie. Malgré la relative diminution des violences depuis 2016, des disparitions et la torture par la police, l’armée et le parti au pouvoir ont été dénoncées.

En 2020, l’espoir revient: des élections présidentielles se déroulent pacifiquement et une transition politique dans un contexte relativement calme. Toutefois, des cas de détentions arbitraires et de violations de la liberté publique sont rapportés. La stabilité reste précaire au niveau national et régional avec activisme de certains groupes armés rebelles présents au Burundi et à l’extérieur et des rapports diplomatiques complexes avec les pays voisins.

La crise sociopolitique au Burundi a eu un fort impact sur son économie, affectant l’accès aux services basiques comme l’éducation, la santé ou la sécurité alimentaire.

woodtli, creative commons

…et fragilité économique

Le Burundi est l’un des pays les plus pauvres au monde (187 sur 191 selon l’indice de développement humain (IDH) 2021). L’insuffisance et la vulnérabilité préexistante des infrastructures, des services sociaux de base et des mécanismes de résilience ont contraint 2,3 millions de personnes à recourir à l’aide humanitaire en 2021: 700 000 sont dans un besoin humanitaire aigu.

La crise économique, la pauvreté et les désastres climatiques comme la sécheresse sont les principaux facteurs dégradant la situation humanitaire et conduisant à l’insécurité alimentaire. Selon l’INFORME 2021[2]INFORM – Global, open-source risk assessment for humanitarian crises and disasters (europa.eu), l’ensemble du territoire burundais est vulnérable aux risques naturels (3,6) et d’origine humaine (5,8) qui provoquent le déplacement de la population et la destruction de l’agriculture et des infrastructures. Parmi les personnes dans le besoin, 51 % sont des femmes et 57% des enfants.

La situation socio-économique ne cesse de fluctuer et d’engendrer une baisse du pouvoir d’achat accentuée par la hausse de l’inflation.

Pays d’accueil des réfugiés de la RDC

Malgré les crises et les difficultés, le Burundi reste central pour l’accueil de réfugié·es. Selon les estimations du HCR, en juillet 2022, le Burundi comptait plus de 82499 personnes réfugiées et 3565 demandeurs d’asile3. La plupart viennent de République démocratique du Congo (98,7 %). Il leur offre une reconnaissance prima facie comme réfugié·es à travers des procédures accélérées.

Le retour des réfugié·es burundais

Le Burundi encourage par ailleurs le retour de ses propres ressortissant·es parti·es chercher protection hors du pays. De 2017 à août 2022, 202 394 réfugié·es[3]Operational data portal : refugee situations, UNHCR ont ainsi été assisté·es. Le processus de rapatriement et d’intégration est complexe. Les personnes font face à diverses difficultés: l’accès à la terre et aux ressources, la cohabitation avec la communauté locale et la réintégration des enfants dans l’éducation, par exemple.

Il est estimé aujourd’hui à 265 669 personnes le nombre de réfugié·s[4]Operational data portal : refugee situations, UNHCR dans la région, dont 126 971 en Tanzanie. Gouvernements burundais et tanzanien coopèrent pour favoriser le retour des Burundais·es dans leur pays d’origine, à un prix cependant élevé. Des experts des Nations Unies[5]OHCHR, « Des experts des Nations Unies déplorent les violations des droits de réfugiés Burundais », 13 avril 2021. ont déploré les violations des droits des réfugié·es burundais·es en Tanzanie, notamment la répression, le retour forcé et des cas de disparitions forcées.

En dépit d’une certaine stabilisation du Burundi et des efforts de son gou-vernement en vue de réintégrer ses ressortissant·es qui avaient dû fuir le pays durant les crises et conflits, les conditions sécuritaires et économiques dans le pays demeurent précaires.