Aller au contenu
Emploi

Réfugié·es & emploi | L’expérience de celles et ceux qui ont fait le pari de l’embauche

Élisa Migliarini / Sophie Malka

À l’occasion de la sortie de sa brochure Réfugié·es & emploi. Au-delà des idées reçues, le 3 novembre 2022, Vivre Ensemble a organisé un événement au Impact Hub, à Genève. Un vernissage que l’association a souhaité centrer autour du partage de bonnes pratiques et d’expériences d’employeurs et employeuses. Entre récits inspirants, réactions de personnalités politiques, engagement des associations partenaires, la soirée a tenu sa promesse : offrir une rampe de lancement à la diffusion de notre brochure.

Une soirée riche en rencontres et en partages

Le succès de cet événement, qui a réuni une centaine de personnes doit beaucoup aux témoignages des binômes d’employeur·euse et de leur employé·e issu·e de l’asile. Plusieurs profils d’emploi avaient été choisis, afin d’éviter une vision stéréotypée ou uniforme des possibilités d’embauche: hommes / femmes, secteur tertiaire / secondaire, public / privé, commerce / maçonnerie / restauration / sécurité informatique./

Partageant leur parcours respectif, leur rencontre, leur collaboration, chacune et chacun des employeur·euse a pu témoigner à la fois des raisons qui les ont poussé·es à faire le pas d’un tel recrutement et sur ce que la présence de la personne engagée a apporté à l’entreprise. Du côté des personnes aujourd’hui en emploi, ce fut l’occasion de raconter à la fois les obstacles, mais aussi leur détermination à s’intégrer sur le marché du travail et surtout à acquérir une indépendance financière. Leurs histoires croisées montrent combien la rencontre est importante pour dépasser certains préjugés. Des préjugés auxquels la brochure tente de répondre.

Plusieurs personnes clés dans l’insertion professionnelle des personnes issues de l’asile sont intervenues durant la soirée. Des associations actives dans l’accompagnement des personnes réfugiées dans leurs recherches d’emploi ou dans l’insertion professionnelle [1]Le Bureau de l’intégration des étrangers du canton de Genève (BIE), le Centre social protestant Genève (CSP), Yojoa et l’Association des médiatrices interculturelles (AMIC) ont apporté leur … Lire la suite. Le Conseiller d’État en charge du Département de la cohésion sociale du canton de Genève et patron du Bureau de l’intégration des étrangers (BIE), Thierry Apothéloz, a vu dans la brochure une forme de « passeport » – mention notamment aux informations factuelles mises à disposition des employeurs·euses sur les droits et règles légales contenues dans la brochure.

Pour introduire deux des binômes, nous avions invité Emmanuelle Werner, directrice de Yojoa, qui a insisté sur les nombreux atouts pour les entreprises de l’embauche des personnes issues de l’asile. La directrice de Caritas Genève, Sophie Buchs, comme Olivier Ferrari, responsable de l’EPER, et Alain Bolle, directeur du Centre social protestant Genève ont souligné l’utilité de la brochure pour des associations qui travaillent à l’intégration professionnelle. Alain Bolle a d’ailleurs profité de la présence de la Conseillère d’État en charge de l’économie et de l’emploi, Fabienne Fischer, pour l’inviter à promouvoir la publication auprès des milieux économiques. Une perche qu’a saisie Madame Fischer pour s’engager à reproduire ce format de soirée dans d’autres cercles. Affaire à suivre.

Montrer que l’embauche des personnes réfugiées mène à de belles expériences était l’objectif de cette soirée: un pari réussi.

Les témoignages ont montré qu’en plus de favoriser le potentiel des entreprises, l’embauche des personnes réfugiées déve loppe l’autonomie de ces dernières et leur permet de s’affranchir de l’aide sociale et d’apporter leur pierre à l’édifice. Un atout individuel et sociétal.

La brochure en quelques mots… 

Réfugié·es & emploi. Au-delà des idées reçues 

Des outils pratiques, des informations factuelles, un quiz, un CV annoté… La nouvelle brochure éditée par Vivre Ensemble s’adresse aux employeurs et employeuses et les invite à interroger leurs propres représentations quant aux compétences et qualifications des personnes issues de l’asile. Des préjugés qui peuvent les pousser à écarter de nombreuses candidatures lors du tri des CV, freinant de fait l’accès au marché du travail des réfugié·es. Ils s’ajoutent à d’autres obstacles supposés, comme des démarches administratives compliquées ou la durabilité du statut de séjour. Outre répondre à ces inquiétudes – le droit au travail de tous les permis, la simplification des démarches pour l’entreprise, la stabilité du séjour des permis F et B réfugié·es – la publication invite les recruteurs et recruteuses à décaler leur regard, en montrant que derrière l’écran du statut d’asile, il y a des hommes et des femmes formé·es et qualifié·es dans le social, la médecine, l’informatique, le commerce, la gestion, le journalisme, la restauration, etc. Des personnes qui ne demandent qu’à devenir indépendantes et à pouvoir contribuer à leur tour à la société. 

Retrouvez sur asile.ch/emploi

Des expériences inspirantes pour en susciter d’autres…

Des trous dans le CV? Dessin Ambroise Héritier 2022 / Réfugié·es & Emploi. Au-delà des idées reçues, Vivre Ensemble

Ville de Genève (Unité Infrastructure)

Julie Rieger 

«Si je n’avais tenu compte que de son CV, je ne l’aurais pas engagée. Celui-ci était très succinct, mais lors de notre rencontre, quand elle m’a expliqué ce qu’elle avait fait avant d’arriver en Suisse, je me suis rendue compte de l’ampleur de ses capacités et de son parcours professionnel. C’est aussi son envie d’agir sur sa propre vie qui m’a séduite. Je lui ai donc dit qu’on allait regarder s’il y avait une opportunité. On en a trouvé une. Son poste (Ingénieure développeuse service management) n’existait pas avant son arrivée. Il a été créé pour elle.» 

Montaha Jaafar étant devenue maman quelques semaines plus tôt, elle n’a pas pu être présente au vernissage. Nous avions fait son portrait : «Femme, diplômée dans un ‘métier d’hommes’, avec un permis N. Un triple plafond de verre». VE 188/juin 2022


René Mathez SA

Romain Gregoris, chef de chantier

«Selon moi, se fondre dans les codes professionnels, ce n’est pas le plus important au départ. Les gens qui ont un parcours d’exil, souvent très difficile et semé d’embûches, ont dû faire preuve de beaucoup de motivation et de courage. Ils ont beaucoup de qualité et quand ils sont sur le terrain, on le ressent dans le travail. C’est impressionnant.»

Tedros Kidane

«Je me sens indépendant. Je gère ma vie moi-même. Avant j’étais à l’Hospice général, on

sait comment c’est dur. Mathez SA m’a donné ma chance et ça se passe très bien. Aujourd’hui, je me sens comme tout le monde, comme un Suisse.»

Depuis l’engagement de Tedros Kidane, l’entreprise de construction a embauché trois nouvelles personnes issues de l’asile.


New Concept Sports

Laurent Paonessa 

«C’est cette envie de gagner que j’ai vue dans ses yeux. Il faut donner une chance à ces personnes qui sont des entrepreneurs nés. Il n’y a pas vraiment de mot pour expliquer, mais il faut se donner cette chance de rencontre et de collaboration. Ils nous l’offrent. Il faut que nous les employeurs·euses on la prenne. »

Tesfay Felfele, ex-champion du monde de course en montagne 

« Quand je suis arrivé, ça a été difficile de m’intégrer dans le système suisse. Avec un permis F ou N, c’est très compliqué de trouver du travail. Quand j’ai rencontré Laurent [son  employeur], je ne parlais pas bien français, je ne comprenais pas grand-chose, mais il a eu confiance en moi et je le remercie encore. Vu ma passion pour la course à pied, je voulais faire quelque chose dans ce domaine, et je viens d’avoir mon diplôme de massothérapeute.»

Gemüse Kebab

Yohann Pellaux 

« Atiq avait beaucoup plus d’expérience que nous dans le milieu de la restauration. Il a eu un parcours qui apporte une autre vision du travail et de l’entrepreneuriat. On a pu apprendre énormément avec lui. Au début, on a eu des situations très compliquées et stressantes, mais Atiq gardait toujours la tête froide. Il trouvait des solutions. Il a une résilience impressionnante et ça nous a beaucoup appris et aidés.»

Atiq Naqibi 

« J’ai quitté l’Afghanistan il y a 9 ou 10 ans. Ça m’a pris environ 3 ans et demi pour arriver jusqu’ici. Je me suis débrouillé seul pour travailler dans chacun des pays que j’ai traversés. Je suis arrivé en 2015 à Genève. J’ai fait 3 ans d’école pour progresser en français. J’ai ensuite rencontré Emmanuelle Werner [directrice et fondatrice de Yojoa] qui m’a proposé de faire un apprentissage ou une formation. Mais moi je préférais travailler pour être fixe et donc indépendant. Elle m’a présenté Yohann et Romain [ses employeurs]. Et là ça fait 15 mois qu’on travaille ensemble. Je suis très content de les avoir rencontrés. Et voilà, je n’ai pas eu besoin de faire un apprentissage pour trouver du travail !»

Dessin Ambroise Héritier 2022 / Réfugié·es & Emploi. Au-delà des idées reçues, Vivre Ensemble

DES TÉMOIGNAGES À ÉCOUTER DANS UN PODCAST 

Rien ne vaut le partage d’expériences pour sensibiliser les employeur·euses à franchir le pas. Le format du podcast est un moyen de faire entendre cette parole et de lui donner plus d’impact. Des récits croisés que nous avons recueillis afin de mettre en lumière ce que gagnent les un·es et les autres à parvenir à dépasser l’obstacle du statut; diversité, motivation, nouvelles idées pour l’entreprise. Autonomie, indépendance, stabilité pour l’employé·e. 

Ces témoignages en binômes seront diffusés sur notre site asile.ch et les plateformes de streaming dès le 20 février. Écoutez-les et partagez-les, pour contribuer à votre tour à inciter d’autres recruteurs·euses à faire le pas ! 


L’information a un coût. Notre liberté de ton aussi. Pensez-y !
ENGAGEZ-VOUS, SOUTENEZ-NOUS !!

Notes
Notes
1 Le Bureau de l’intégration des étrangers du canton de Genève (BIE), le Centre social protestant Genève (CSP), Yojoa et l’Association des médiatrices interculturelles (AMIC) ont apporté leur expertise lors de la rédaction de la brochure. Celle-ci a par ailleurs été soutenue financièrement par des fondations ainsi que le BIE, le CSP, Caritas Genève et l’EPER.