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Documentation

ODAE romand | Ambassades suisses: zones de non-droit?

L’observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE romand) publie un nouveau numéro de son journal Panorama sur la thématique des pratiques arbitraires en vigueur dans certaines ambassades suisses. Donnant la parole à différentes perspectives sur ces questions importantes, l’ODAE romand relaye un constat alarmant: « D’une représentation suisse à l’autre, les témoignages des personnes en quête de visas pour la Suisse mettent en lumière des pratiques qui constituent une véritable politique du découragement et, en conséquence, la violation de leurs droits fondamentaux dans une inquiétante opacité. »Retrouvez la présentation des différents Panorma sur le site de l’ODAE romand. Une cotisation à l’association vous permettra d’être abonné·e à la revue. Ce numéro a été publié le 13 juin 2023.

Panorama n°5 – Ambassades suisses : zones de non-droit ? Editorial


– La maison qui rend fou ?
– Oui. Il vous faudra d’ailleurs y entrer, c’est votre prochaine épreuve
– Et que devons-nous y faire dans la maison qui rend fou ?
– Oh, c’est simple. Vous devez obtenir un laissez-passer qui vous permettra d’accéder à l’épreuve
suivante
– Oh ! Il s’agit d’une simple formalité administrative !
– C’est ça, une formalité … administrative

Cet extrait des 12 travaux d’Astérix précède le défi lors duquel les deux héros gaulois doivent affronter l’administration romaine pour obtenir le laissez-passer A38. Le tout, sans perdre la raison. Si l’évocation de cette épreuve a de quoi faire sourire, le parallèle avec l’enfer administratif auquel sont confrontées les personnes souhaitant venir en Suisse est plutôt glaçant.

Que ce soit pour une visite de courte durée à ses proches ou pour un regroupement familial, les obstacles pour obtenir un visa sont innombrables, et justifiés par une même logique obsessionnelle : celle de la lutte contre l’« immigration incontrôlée ». Le droit au mariage, à la vie familiale et à la vie privée devient alors tributaire du bon vouloir d’agent∙exs d’ambassades, investi∙exs d’un rôle policier de tri entre les migrations
considérées comme légitimes ou non. Leur pouvoir discrétionnaire [1]Le terme de pouvoir discrétionnaire désigne l’autonomie conférée par le cadre légal avec laquelle des agent·exs de l’administration peuvent prendre des décisions sur des situations … Lire la suite
est immense puisque c’est à elleux que revient notamment la tâche de définir des «profils» de demandeur·eusexs qui présenteraient un risque particulier [2]Commission européenne, Manuel relatif au traitement des demandes de visa et à la modification des visas délivrés (manuel des visas I) du 28 janvier 2020, p. 74..

Exigence de documents impossibles à fournir, durée de procédure interminable, coûts engendrés extrêmement élevés, traversée de frontières périlleuses pour se rendre à l’ambassade désignée « compétente », refus non motivés. D’une représentation suisse à l’autre, les témoignages des personnes concernées mettent tous en lumière des pratiques qui constituent une véritable politique du découragement. Les conséquences en sont dramatiques : années de vie familiale perdues, enfants séparé∙exs de leurs parents, proches impuissant∙exs.

Loin de l’absurdité comique dépeinte par Goscinny et Uderzo dans Astérix, les pratiques bureaucratiques engendrent dans la réalité leur lot de désespoir et de traumas. Chacun des articles de ce numéro souligne le rôle crucial des représentations suisses dans ces drames et dans l’orientation des politiques migratoires.

Ils mettent en lumière le déficit démocratique que leur pouvoir discrétionnaire engendre, ainsi que la manière dont les droits fondamentaux peuvent être bafoués, dans une inquiétante opacité.

L’équipe de l’ODAE romand,
Elisa Turtschi, Megane Lederrey, Aude Martenot

Notes
Notes
1 Le terme de pouvoir discrétionnaire désigne l’autonomie conférée par le cadre légal avec laquelle des agent·exs de l’administration peuvent prendre des décisions sur des situations concrètes.
2 Commission européenne, Manuel relatif au traitement des demandes de visa et à la modification des visas délivrés (manuel des visas I) du 28 janvier 2020, p. 74.