ÉDITO | Le coût (financier) du jeu politique
Sophie Malka
Une session spéciale asile est prévue les 24 et 25 septembre 2024 au Parlement fédéral. Nous avons décidé de publier en ligne avec un peu d’avance l’édito de notre prochaine revue asile.ch, qui analyse quelques objets soumis au vote des élu·es sous l’angle des promesses d’une baisse des coûts… A voir en particulier si, une fois de plus, les parlementaires resteront campé·es sur des positions idéologiques plutôt que sur des solutions pragmatiques. En tous cas, les dés sont joués du côté du PLR, qui a déjà expliqué par la voix de son président Thierry Burkhart « que les interventions UDC seront toutes soutenues par son groupe «avec quelques abstentions, mais aucune voix contre» ». ( 24h/TDG, Florent Quiquerez, 20.09.2024)
Et si les élu·es étaient mis·es devant leurs responsabilités dans leur contribution à la «hausse des coûts» de l’asile, thème agité à tout bout de champ pour s’attirer l’attention médiatique et politique? La session d’automne au Parlement fédéral en témoigne : trois objets proposent de soi-disant solutions pour enrayer ladite hausse, alors que leurs auteurs savent pertinemment leur inefficacité, voire qu’elles pèseront davantage sur les finances et la bureaucratie. Peut-être est-ce le but.
Ainsi du postulat (UDC) voulant imposer des cartes prépayées valables dans certains magasins au lieu d’argent liquide en guise d’aide sociale, pour empêcher l’envoi d’argent dans les pays d’origine et ainsi dissuader la «migration illégale»(sic !). L’impact de la mesure serait insignifiant, la mise en œuvre coûteuse. Le petit nombre de concerné·es «ne disposent généralement que de montants minimes pour l’usage personnel une fois les besoins vitaux couverts», rappelle le Conseil fédéral.
Autre exemple : la proposition de faire sortir les demandeurs d’asile du système de l’assurance-maladie. L’auteur (UDC) prétend que cette population «pèse de manière disproportionnée sur le système des caisses maladie, ce qui met inutilement à l’épreuve la solidarité des payeurs de prime». Réponse du Conseil fédéral : Selon une enquête de l’Office fédéral de la santé publique, celle-ci «était à l’origine de moins de 1% du total des coûts» de la LAMal en 2021. L’instauration d’un système parallèle pèserait bien plus sur les contribuables.
Quant à la motion de la Commission des finances du Conseil des États portée par le PLR, on se demande bien ce qu’elle apporte de nouveau hormis des coûts de traitement en indemnités parlementaires. S’étonner d’une hausse des forfaits de l’asile dans le budget 2024 alors que le nombre de personnes prises en charge par la Confédération a forcément été impacté par la guerre en Ukraine est soit naïf, soit démagogue. On rappelle que les réfugié·es titulaires du statut S représentent 30% de l’ensemble des personnes relevant du domaine de l’asile, réfugié·es compris. Leur arrivée en 2022 a contribué à une hausse de près de 50% de l’effectif global. Mathématiquement, cela pèse sur les coûts. Coûts qui restent relatifs rappelait un économiste : «Si on compare le PIB suisse au prix d’un bon repas au restaurant, le coût de l’asile ne représente même pas le prix du sucre servi avec le café».
S’ils voulaient vraiment contribuer à faire baisser le recours à l’aide sociale, les élu·es reviendraient sur des aberrations de la loi adoptées par pure idéologie. Entre autres :
- Supprimer les obstacles à l’emploi dès l’arrivée en Suisse (permis N) qui entravent durablement l’insertion professionnelle.
- Supprimer la discrimination dans les montants d’aide sociale octroyée aux permis F, S, et même N, inférieurs au minimum vital de 30% à 70% selon les cantons. Insuffisants, ils freinent l’employabilité selon critique la CSIAS.
- Renoncer aux interdictions de travail frappant les personnes déboutées. Une étude montre des pertes se chiffrant en millions pour la collectivité genevoise[1]IREG, Évaluation du coût économique pour le canton de Genève lié à l’interdiction de travailler des jeunes personnes déboutées de l’asile, asile.ch / CSP Genève, juin 2023. Imaginez pour la Suisse !
En d’autres mots, la classe politique devrait cesser de courir après les fausses promesses de l’extrême-droite pour penser à des mesures pragmatiques et efficaces. Tout le monde y gagnerait. Y compris financièrement.
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Notes
↑1 | IREG, Évaluation du coût économique pour le canton de Genève lié à l’interdiction de travailler des jeunes personnes déboutées de l’asile, asile.ch / CSP Genève, juin 2023 |
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