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Notre regard

Fact Checking | Santé : une attaque infondée contre l’asile

Raphaël Rey

Après le regroupement familial et l’aide sociale, les personnes demandeuses d’asile se trouvent cette fois-ci visées par la droite parlementaire dans leur accès à la santé. Avec une motion, le PLR et toute la droite souhaitent qu’elles ne soient pas soumises au modèle standard d’assurance, avec le libre choix du médecin, mais que leur soient appliqués des modèles du type médecin de famille, réseau de soins ou conseil téléphonique. Or un petit tour d’horizon montre que les cantons vont déjà à l’économie dans ce domaine. Explications.

Un privilège, vraiment ?

Capture d’écran, 7.2.2025

«Santé: les demandeurs d’asile ont un privilège sur 80 % des Suisses», titre le média en ligne Watson à la fin de l’année dernière. Un titre racoleur reprenant la nouvelle obsession de la droite: réduire les coûts de la santé dans le domaine de l’asile, notamment. Cette fois-ci, c’est au tour du modèle d’assurance maladie d’être attaqué par le parlementaire Marcel Dobler (PLR). Selon lui, 80% des Suisses renoncent volontairement au libre-choix du médecin, alors que des groupes de population, dans l’asile entre autres, peuvent le faire. Et il veut changer ça pour économiser des centaines de milliers de francs.

Qu’en est-il réellement? Une personne qui demande l’asile en Suisse a droit aux soins médicaux de base garantis par la LAMal. Après son séjour obligatoire dans un Centre fédéral d’asile (CFA), c’est le canton dans lequel elle est attribuée qui s’occupe de l’inscrire auprès d’une assurance si elle n’a pas les moyens de payer sa prime. Les personnes ne peuvent choisir ni la caisse, ni le modèle d’assurance, ni la hauteur de la franchise. Et vu que c’est aux cantons de gérer les coûts des primes et des soins médicaux pour lesquels ils reçoivent un forfait de la Confédération, ils choisissent déjà les solutions les plus avantageuses (encadré). C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 82a de la Loi sur l’asile, qui les autorise à restreindre le choix et le modèle de l’assureur, ainsi qu’à limiter les fournisseurs de prestations pour les demandeurs d’asile et les personnes à protéger.

Une motion mensongère et stigmatisante

Dans tous les cantons romands, le libre choix du médecin n’est donc que fiction. Changer la loi ne permettra pas de faire des économies. C’est déjà le cas. Une enquête réalisée par l’Office fédéral de la santé publique montrait ainsi qu’en 2021, les personnes relevant du domaine de l’asile n’ont été à l’origine que de 0,56% du total des coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Dans sa réponse à une motion de l’UDC demandant d’instaurer un système parallèle pour les demandeur·euses d’asile, le Conseil fédéral avait d’ailleurs rétorqué que la mise en place d’un tel système coûterait bien plus cher aux contribuables, outre ajouter de la bureaucratie.

On est donc face à des manœuvres purement politiciennes, et trompeuses. Se faire l’écho d’un discours politique sans véritable vérification des faits, comme le fait ici Watson, c’est contribuer à la désinformation ambiante et à la stigmatisation de personnes qui subissent pourtant déjà de multiples discriminations. Surtout, c’est tomber dans le panneau de la droite, qui n’a de cesse de multiplier les attaques contre le droit d’asile, dans tous les domaines imaginables.

Infox et réalité: tour d’horizon romand

Concrètement, dans le canton de Vaud, la prise en charge des primes d’assurance-maladie des personnes relevant du domaine de l’asile ressort de la compétence de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Pour toute question de santé, les personnes passent par l’USMI, l’unité de soins aux migrants. Ce sont ces professionnel·les de la santé qui font un premier tri et une évaluation des besoins avant de rediriger vers des médecins.

À Genève, le modèle est similaire, les personnes du domaine de l’asile sont assurées auprès d’une caisse maladie par l’intermédiaire de Swiss Risk & Care SA. La prise en charge s’effectue aussi dans le cadre d’un réseau de soins : un médecin de premier recours est attribué, généralement issu·e de l’Unité santé asile et réfugiés (USAR) ou du pool de médecins privés attaché au réseau. Les médicaments prescrits doivent être obtenus auprès d’une pharmacie du réseau PharmAsile.

En Valais, le modèle médecin de famille est aussi appliqué. Les personnes doivent passer par leur assistant·e social·e ou l’Unité de santé des personnes migrantes du domaine de l’asile pour obtenir l’autorisation de voir un généraliste qui peut les réorienter vers des spécialistes.

À Neuchâtel, il faut s’adresser à son assistant·e social·e avant d’aller chez un·e quelconque médecin. Et pour les résident·es des centres collectifs d’asile, c’est la permanence infirmière de Médecins du monde qui opère un premier filtre.

Dans le Jura, les personnes suivies par l’AJAM sont également soumises au modèle médecin de famille, de même que dans le canton de Fribourg, où les personnes doivent s’adresser au service de santé d’ORS, avant d’être redirigées vers un médecin généraliste.

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