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Comptoir

Asile et santé: démêler le vrai du faux

Elodie Feijoo, asile.ch

Mardi 2 septembre, l’UDC organisait une conférence de presse sur la prétendue explosion des coûts de la santé des personnes étrangères, en ciblant tout particulièrement les demandeur·ses d’asile. Mais derrière cette nouvelle offensive politique, que disent vraiment les faits et les chiffres? Pour éclairer le débat, qui devient récurrent au Parlement, nous présentons cinq faits sur l’asile, les coûts de la santé et l’accès aux soins. Ce fact-checking, envoyé aux médias peu avant la conférence de presse, a conduit certains journalistes à questionner les chiffres fournis par le parti dans leurs articles.

Le Temps, Pour réduire les coûts de la santé, l’UDC vise les étrangers, à tort ou à raison,  3 septembre 2025

24h/TDG, L’UDC veut réduire l’accès des immigrés au système de santé, 2 septembre 2025

Dans son invitation intitulée « Explosion des coûts de la santé : les immigrés ne doivent plus profiter de notre système » l’UDC déclare faussement que:

« Les migrants en quête d’asile ont eux aussi immédiatement accès à toutes les prestations de santé et il est prouvé qu’ils génèrent des coûts plus élevés que le reste de la population, coûts que les contribuables suisses doivent payer. »

Cinq faits sur les coûts de la santé et l’accès aux soins dans le domaine de l’asile

1. Moins d’1% des coûts: Dans sa réponse à la motion 24.3752, le Conseil fédéral précise que « Une enquête réalisée par l’Office fédéral de la santé publique a révélé qu’en 2021, les requérants d’asile ont été à l’origine de moins d’un pourcent du total des coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins (source : données individuelles anonymisées des assureurs-maladie). Par conséquent, exclure ces personnes de l’obligation de s’assurer en vertu de la LAMal ne soulagerait guère les payeurs de primes.« 

2. Les assuré·es de nationalité étrangère coûtent en moyenne moins cher que les Suisses: En réponse à la motion 24.3470, une étude de l’Office fédérale de la statistique portant sur les Coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins selon la nationalité des assurés pour la période 2019–2022 a été réalisée. Ses conslusions? Les personnes assurées de nationalité suisse présentent un coût net moyen de 3554 francs, soit un montant supérieur de 985 francs à celui observé chez les personnes de nationalité étrangère. En ce qui concerne la répartition des coûts, 80,5 % des dépenses sont attribuables aux assurés suisses, contre 19,5 % pour les assurés non suisses.

3. Arrachage de dents comme option privilégiée de soins dentaires : Une enquête du média en ligne Watson publiée cet été montre que les requérant·es d’asile, et les personnes titulaires d’un permis F ou S, se voient souvent contraintes à un arrachage de dents en cas de problèmes dentaires lorsque les antidouleurs ne suffisent pas et qu’elles n’ont pas les moyens de financer un traitement normal -ce qui est généralement le cas lorsqu’elles sont à l’aide sociale. Les faits décrits viennent contredire les arguments fallacieux de la motion 24.4292 prétendant que de nombreuses personnes «profitent» du système d’asile pour venir se faire soigner les dents en Suisse, aux frais du contribuable. Face aux conséquences de ces pratiques radicales, une association de médecin-dentiste demande que les titulaires d’une admission provisoire puisse accéder aux mêmes prestations que les réfugié·es après trois ans de séjour.

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4. Accès à un système de soins et de médicaments spécifiques : Une personne qui demande l’asile en Suisse a droit aux soins médicaux de base garantis par la LAMal. Dans les Centres de la Confédération (CFA), l’accès aux soins est cependant limité: de nombreux problèmes ont été soulevés, notamment en matière de santé mentale [1]asile.ch, Unisanté | Constat alarmant en matière de santé mentale, 21 juin 2022. Dès sa sortie du CFA, la personne est attribuée à un canton qui s’occupe de l’inscrire auprès d’une assurance si elle n’a pas les moyens de payer sa prime. Elle ne peut choisir ni la caisse, ni le modèle d’assurance, ni la hauteur de la franchise. L’article 82a de la Loi sur l’asile autorise les cantons à restreindre le choix et le modèle de l’assureur, ainsi qu’à limiter les fournisseurs de prestations pour les demandeurs d’asile et les personnes à protéger. Ce qu’ils font, afin d’avoir accès aux solutions les plus avantageuses. Dans certains cantons, il faut d’abord passer par son assistant·e social·e ou un·e infirmier·e avant de voir un·e médecin. Le détail des restrictions et modalités d’accès aux soins par canton romand est disponible ici. Un rapport externe de l’OFSP avait par ailleurs pointé du doigt de graves défaillances dans la prise en charge dans les structures d’hébergement cantonal.

5. Inexigibilité du renvoi et admission provisoire pour motifs médicaux : une centaine de cas par an
En 2024, 90 personnes ont reçu une admission provisoire (permis F) pour raisons médicales en Suisse. Seuls les cas médicaux graves sont concernés, et uniquement lorsqu’un traitement médical n’est pas accessible dans le pays d’origine ou de provenance. Contrairement aux accusations de tourisme médical, rappelons que le droit suisse prévoit déjà que « La seule absence de possibilité de traitement médical conforme aux standards suisses dans le pays d’origine ou de provenance ne rend pas l’exécution du renvoi inexigible ». (Manuel asile et retour du SEM, article E3, 3.2.2.1 p.15). Plus d’informations ici.

2021202220232024
Nombre d’admissions provisoires pour raisons médicales16111412790
Part du total des admissions provisoires4,1 %2,1 %1,7 %1,4 %
Sources des données: Secrétariat d’État aux migrations

© Photo d’illustration de l’article: Hush Naidoo Jade Photography sur Unsplash


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