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Notre regard

RMNA | Un audit critique sévèrement l’approche de l’EVAM

Manon Aebischer

« On se retrouve parfois avec des gamins de 14-15 ans, considérés comme autonomes, qui intègrent les appartements de transition et doivent se prendre en charge comme des adultes. Il y a régulièrement des décompensations. Certains partent en vrille et deviennent violents à cause de ces changements trop rapides […]. On nous pousse à les autonomiser et à les occuper par des activités à n’en plus finir, mais leur besoin d’être écouté́ individuellement n’est pas pris en compte ». Témoignage d’un membre de l’équipe éducative de l’EVAM recueilli par un journaliste de 24Heures. [1]24 heures, Fabien Lapierre, Asile. Un audit accable le traitement des mineurs par l’EVAM, 2 février 2024. 

Un audit sur la prise en charge des requérant·es d’asile mineur·es non accompagné·es (RMNA)[2]Cette population est composée de filles et de garçons âgés de 12 à 18 ans. dans le canton de Vaud a été rendu public le 2 février 2024 par le Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP) et le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES). Le rapport peut être consulté ici. Il a été commandé par les deux départements à la suite de plusieurs interpellations du Syndicat des secteurs public et parapublic (SSP). Le sujet ? Comprendre comment les pratiques éducatives déployées par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) respectent la mission et le cadre de référence qui lui sont donnés et évaluer comment l’organe responsable de l’accueil des migrants met en œuvre son action. Le rapport s’appuie sur 63 entretiens individuels et collectifs menés auprès de collaborateur·trices de l’EVAM, de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), du Service des curatelles et tutelles professionnelles (SCTP) et de partenaires liées à la scolarité et à la santé. L’analyse énonce 44 constats et formule 46 recommandations. 

Dessin Hani Abbas. Illustration de la couverture de la revue Vivre Ensemble n°169 / septembre 2018

Des enfants avant d’être des migrant·es !

La principale critique dénonce le fait qu’au lieu de viser la protection des mineur·es, les pratiques suivent davantage une politique migratoire. Ainsi, l’organisation des lieux prime sur les besoins des jeunes. Le temps dédié à les accompagner dans la réalisation de leurs projets est limité. Ce qui a de nombreuses conséquences sur leur bien-être, mais aussi sur celui du personnel accompagnant, en nombre insuffisant. « L’EVAM considère que la politique socio-éducative cantonale en matière de protection des mineurs de la DGEJ ne s’applique pas », relève l’audit de Takt, qui rappelle à l’ordre l’établissement qui s’était engagé à respecter l’Ordonnance fédérale sur le placement d’enfants et la loi sur la protection des mineurs suite à l’élaboration du concept socio-éducatif des foyers de mineurs non accompagnés de juin 2019. En s’en écartant, l’institution agit dans l’illégalité ! 

La décision de rédiger ledit concept marquait alors une forte intention de l’EVAM de « permettre à chacun des acteurs impliqués dans la prise en charge des MNA, de se situer et de s’inscrire dans un modèle d’accompagnement et d’intégration explicite qui répond aux besoins des MNA accueillis au sein des foyers et des appartements de transition» [3]Rapport « Concept socio-éducatif. Foyers. Mineurs non accompagnés ». Les équipes éducatives MNA de l’EVAM sous la direction de Mesdames Annelyse Berger et Evelyne Lopériol, 30 juin 2019. .

La prise en charge des jeunes préoccupe en effet le milieu de l’asile depuis de nombreuses années. Interpellée par la presse [4]24 heures, Fabien Lapierre, Asile. Un audit accable le traitement des mineurs par l’EVAM, 2 février 2024. , la conseillère d’État Isabelle Moret, chargée du DEIEP, explique la défaillance de la prise en charge par la hausse d’arrivée des mineur·es depuis 2019 où les structures d’hébergement sont passées de 2 à 18. Un argument qui ne convainc pas. 

Au lieu de s’excuser par une surcharge migratoire actuelle ne pourrions-nous pas interroger l’EVAM sur sa capacité d’anticiper l’arrivée de futur·es mineurs·es non accompagné·es ? Après le pic de 2015-2016, le concept socio-éducatif avait été rédigé afin de « rendre explicite le contenu de la mission des foyers et des appartements de transition MNA ainsi que les pratiques d’accompagnement et d’intégration mis en œuvre par les professionnels en faveur des jeunes migrants » [5]Rapport « Concept socio-éducatif. Foyers. Mineurs non accompagnés ». Les équipes éducatives MNA de l’EVAM sous la direction de Mesdames Annelyse Berger et Evelyne Lopériol, 30 juin … Lire la suite. Le nombre de jeunes isolé·es déposant une demande de protection était fortement redescendu dès 2016. Durant ce temps de répit, n’aurait-on pas pu solidifier les mesures d’accompagnement érigées dans le concept en vue d’accueillir décemment de nouveaux mineur·es non accompagné·es, et être prêt dès le nombre de demandes repartis à la hausse ?

Aujourd’hui, l’établissement agit en marge de la loi. Une situation qu’il est nécessaire de corriger, et rapidement. Espérons que les mesures préconisées par l’audit seront véritablement mises en œuvre, afin d’améliorer l’accompagnement des jeunes. Il serait temps de leur offrir un cadre de vie sécurisant et digne !

Vous pouvez consulter le rapport ici ou ci-dessous:

  • MNA ou RMNA- Retrouvez la définition dans notre glossaire de l’asile

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Notes
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1, 4 24 heures, Fabien Lapierre, Asile. Un audit accable le traitement des mineurs par l’EVAM, 2 février 2024. 
2 Cette population est composée de filles et de garçons âgés de 12 à 18 ans.
3 Rapport « Concept socio-éducatif. Foyers. Mineurs non accompagnés ». Les équipes éducatives MNA de l’EVAM sous la direction de Mesdames Annelyse Berger et Evelyne Lopériol, 30 juin 2019.
5 Rapport « Concept socio-éducatif. Foyers. Mineurs non accompagnés ». Les équipes éducatives MNA de l’EVAM sous la direction de Mesdames Annelyse Berger et Evelyne Lopériol, 30 juin 2019.