Permis F | Le voyage sans fin : une histoire de résistance et d’espoir
Murtaza Yousefi
Je m’appelle Murtaza Yousefi. Je suis né le 27 juin 2002 dans le village de Narigan, district de Jaghori, en Afghanistan. J’ai grandi dans une famille modeste, dans une région marquée par des défis sociaux, économiques et sécuritaires. Malgré un accès limité aux services de base, ma famille a toujours fait de son mieux pour m’offrir un avenir meilleur.

ENFANCE ET PREMIERS DÉFIS
Mon enfance à Jaghori a été marquée par un manque criant d’infrastructures éducatives et récréatives. Mes amis et moi improvisions nos jeux avec des ballons faits de morceaux de tissu et de plastique. Pourtant, j’ai rapidement développé une passion pour l’apprentissage. À six ans, j’ai intégré l’école Salehi Zirak, où j’ai entamé mes études primaires avec succès, malgré les conditions difficiles.
Les conflits armés constants ont imprégné mon quotidien. Très tôt, j’ai compris que réussir et changer mes conditions de vie nécessitaient des efforts acharnés. Cette prise de conscience m’a forgé et a fait de moi une personne résiliente et déterminée.
ÉTUDIER À KABOUL
À 15 ans, j’ai décidé de poursuivre mes études à Kaboul. La capitale, avec ses opportunités et ses défis, m’a confronté à un nouvel environnement. Malgré l’éloignement de ma famille et les difficultés d’adaptation, j’ai obtenu mon diplôme au lycée Abdul Rahim Shaheed en 2018.

LA DÉCOUVERTE DE L’ART
Depuis l’enfance, l’art a occupé une place importante dans ma vie. Inspiré par les œuvres que je voyais, j’ai commencé à dessiner en autodidacte. À Kaboul, j’ai perfectionné mes techniques sous la supervision d’artistes locaux. Je me suis d’abord consacré au réalisme avant d’explorer d’autres styles comme la miniature et l’art conceptuel.
Un événement tragique – le massacre d’une famille Hazara par les talibans – a profondément influencé ma vision artistique. Cela m’a poussé à utiliser l’art pour dénoncer l’injustice et exprimer mes émotions. Je crois fermement que l’art peut raconter l’histoire d’un peuple et servir de voix aux opprimés.
SERVICE DANS LA POLICE NATIONALE
Inspiré par mon frère, policier tué au combat, j’ai rejoint la Police nationale afghane en 2019, animé par un profond désir de protéger ma communauté. Mais en 2021, avec le retour des talibans, ma vie a basculé. Mon engagement dans la police, les activités de mon frère et la collaboration de mon père avec les forces américaines ont exposé ma famille à de graves menaces.
UNE FUITE PÉRILLEUSE
Face au danger, nous avons fui en Iran, traversant des montagnes et des déserts sous des conditions extrêmes. Une fois sur place, les lois restrictives sur l’immigration et l’absence de statut légal rendaient notre vie précaire. Conscient que l’Iran ne pouvait être une solution durable, j’ai décidé de poursuivre mon chemin vers la Turquie, puis l’Europe.
La traversée de la Turquie fut l’une des étapes les plus éprouvantes. Entre arrestations, conditions de vie précaires et risques constants, chaque jour représentait une lutte pour la survie. Pourtant, déterminé à atteindre un lieu sûr, j’ai poursuivi mon périple à travers la Grèce et les Balkans, surmontant des obstacles inimaginables.
ARRIVÉE EN SUISSE : UN NOUVEAU DÉPART
Finalement, j’ai atteint la Suisse, un pays où je pouvais espérer reconstruire ma vie. Ici, j’ai commencé à m’intégrer et à poursuivre mes activités artistiques. L’art est resté un pilier essentiel, me permettant de raconter à travers mes œuvres les histoires de mon peuple et les luttes des femmes sous le régime taliban.
Malgré les incertitudes liées à mon statut de résident temporaire [1]Le permis F ou admission provisoire,est perçu comme temporaire y compris par ses titulaires car il doit être renouvelé tous les ans. Il s’agit d’une protection internationale face aux risques … Lire la suite, je reste optimiste. Je m’efforce de développer mes compétences et rêve d’intégrer une école d’art renommée. Je veux utiliser l’art comme un pont entre les cultures, un moyen de promouvoir la paix et de sensibiliser le monde aux injustices subies par mon peuple.
Mon parcours témoigne de la puissance de la résilience et de l’espoir. Malgré les épreuves, je reste déterminé à construire un avenir meilleur et à contribuer positivement à la société qui m’accueille.
A propos de la revue
Cet article est paru dans le 200e numéro de notre revue d’information sur l’asile et les migrations. A cette occasion, nous avons voulu proposer une édition spéciale, sortant de notre habituelle démarche éditoriale. C’est ainsi que le contenu de cette revue a été entièrement rédigé et illustré par des personnes réfugiées.
Pour en apprendre plus sur la démarche, le processus et les perspectives qui s’ouvrent pour la suite, nous vous renvoyons vers le making-off de ce numéro spécial. Bonne lecture!

AUTOFICTIONS
Pour de nombreuses personnes, l’émigration est une solution ultime pour échapper à la violence, à la guerre et à la discrimination. L’espoir d’une vie paisible et sereine est une motivation puissante pour quitter leur foyer et leur pays, bien que cette décision soit souvent accompagnée de nombreux défis et difficultés.
La douleur et la souffrance de l’émigration, en plus de l’éloignement de la patrie, incluent également la confrontation avec des inégalités et des problèmes dans les pays de destination. Cet événement est si insupportable que la plupart des jeunes ne peuvent le supporter et en viennent à se suicider. Cet événement a toujours été le plus douloureux de ma vie, et attendre la détermination de son sort est une tâche difficile et ardue qui vous inflige le plus grand coup négatif, comme une blessure incurable qui restera avec vous. Dans notre désespoir profond, nous cherchons une lueur d’espoir pour une vie paisible et nous crions toujours en silence : acceptez-nous en tant qu’êtres humains.
Murtaza Yousefi
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Notes
↑1 | Le permis F ou admission provisoire, est perçu comme temporaire y compris par ses titulaires car il doit être renouvelé tous les ans. Il s’agit d’une protection internationale face aux risques liés notamment à la guerre et aux conflits. Dans les faits la grande majorité des titulaires de permis F reste durablement en Suisse. |
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