Initiative UDC « Pour la protection des frontières »: faits et chiffres
Elodie Feijoo, asile.ch
Alors que l’initiative Pas de Suisse à 10 millions est discutée en ce moment même au Parlement, l’UDC dépose déjà ce mercredi 24 septembre sa prochaine initiative Pour la protection des frontières. Dans cet article, nous en décryptons certains aspects: admissions provisoires, criminalité, entrée irrégulière.
Combien d’admissions provisoires (AP) sont prononcées pour impossibilité du renvoi ?
L’UDC souhaite supprimer l’existence même des admissions provisoires en demandant à ce que « plus aucune admission provisoire n’est octroyée et plus aucun nouveau titre de séjour n’est délivré aux personnes admises provisoirement« . Selon l’argumentaire de l’initiative, ces dernières sont des «migrants économiques qui ont reçu une décision négative et qui restent malgré tout en Suisse. Parce qu’ils ne peuvent pas être expulsés. Parce que leur pays d’origine ne veut pas les reprendre.» (p.30). L’UDC se réfère à l’impossibilité du renvoi, lorsqu’elle mentionne le refus de reprise par le pays d’origine. Pourtant, sur l’ensemble des admissions provisoires, seules 3 personnes (ou 0.05%) ont reçu une AP en 2024 en raison de l’impossibilité du renvoi. La grande majorité des personnes admises provisoirement fuient la guerre ou une situation de violence généralisée. Leur besoin de protection est avéré, mais elles ne remplissent pas tous les critères nécessaires à l’octroi de l’asile – à savoir la nécessité de prouver des persécutions individuelles. Les personnes appelées communément «réfugié·es de guerre» obtiennent généralement une admission provisoire en Suisse. Dans l’Union européenne, les personnes déplacées par la guerre et les violences obtiennent une protection subsidiaire.
| Année | Inexigible | Illicite | Impossible | Autre | Total |
| 2022 | 4 576 | 637 | 11 | 12 | 5 236 |
| 2023 | 6 745 | 623 | 6 | 6 | 7 380 |
| 2024 | 5 935 | 519 | 3 | 2 | 6 459 |
Source : Chiffres fournis par le SEM. Plus d’informations sur l’admission provisoire et contacts d’expertes disponibles ici.
L’admission provisoire est prononcée dans trois situations, lorsque le renvoi est jugé (Manuel Asile et retour. Article E3 Le renvoi, l’exécution du renvoi et l’octroi de l’admission provisoire) :
- Inexigible : le renvoi mettrait la personne en danger, par exemple en cas de guerre, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
- Illicite : le renvoi serait contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international, notamment au principe de non-refoulement. Est interdit le renvoi d’une personne vers un pays dans lequel elle risquerait d’être exposée à de la torture, des traitements inhumains ou dégradants, et /ou où sa vie ou sa liberté seraient menacées.
- Impossible : existence d’un obstacle technique au renvoi tel que l’absence de moyens de transport ou l’impossibilité de se procurer des documents de voyage.
Surreprésentation des personnes étrangères dans les prisons suisses: explications
L’UDC dénonce une « criminalité importée » et un taux élevé de personnes étrangères dans les prisons suisses. Début 2025, plus de 72 % des personnes incarcérées en Suisse étaient étrangères, contre environ 30 % dans les années 1980 (source : OFS). Comment expliquer ce phénomène? La recherche de Luca Gnaedinger, doctorant à l’Université de Neuchâtel, montre que cette surreprésentation ne s’explique ni par une hausse de la criminalité, ni par le nombre de personnes étrangères, mais par la discrimination policière et judiciaire ainsi que la criminalisation de l’immigration.
Le taux élevé de personnes sans permis de séjour en détention provisoire est également pointé du doigt dans l’argumentaire UDC. La raison? Indépendamment de toutes les garanties qu’elles peuvent présenter (travail, réseau familial et amical), le risque de fuite va être considéré comme prédominant pour les personnes sans titre de séjour. Ainsi, dans de nombreux cantons, elles sont placées d’office en détention provisoire. Plus d’informations et contact de L. Gnaedinger disponibles ici.
Entrée irrégulière, séjour légal : comprendre la procédure d’asile en Suisse
Le texte demande à ce que « Les personnes qui ne sont pas autorisées à séjourner en Suisse ou qui n’ont pas d’autorisation d’entrée (par exemple un visa) se voient refuser l’entrée sur le territoire. » Pourtant, pour déposer une demande d’asile il est nécessaire de se rendre en Suisse ; il n’est pas possible de le faire depuis l’étranger. La Confédération reconnait elle-même que «Les chances d’obtenir un visa humanitaire sont faibles.». Par conséquent, les demandeurs·ses d’asile sont souvent contraint·es d’entrer sur un territoire sans autorisation préalable pour y chercher refuge. Le droit international (art. 31, Convention relative au statut des réfugiés) enjoint les États à ne pas leur appliquer de sanctions pénales, sous réserve qu’ils·elles se présentent sans délai aux autorités et justifient leur entrée ou présence irrégulière sur le territoire.
Toute personne a le droit de déposer une demande d’asile, et dès qu’une personne demande l’asile en Suisse, elle obtient une autorisation de séjour valable pour toute la durée de la procédure d’asile (permis N). Elle est alors légalement autorisée à séjourner en Suisse. Le fait de demander l’asile n’est alors pas un acte illégal, y compris lorsque, pour ce faire, une frontière est franchie de façon irrégulière. Plus d’informations disponibles ici
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