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Préjugés

Criminalité? Les statistiques décryptées

Déconstruire les manipulations

Les statistiques de la criminalité et les risques d’une mauvaises compréhension et utilisation à des fins politiques a fait l’objet de divers articles et recherches, parfois anciens, parfois récents. Leurs propos se rejoignent, mais sont vite oubliés. Ci-dessous quelques exemples et ressources, émanant notamment d’acteurs institutionnels, pour interroger amalgames et discours stéréotypés.

L’Office fédéral de la statistique (OFS)

L’Office fédéral de la statistique le disait déjà en 1996: « Parmi les personnes condamnées pour avoir commis un délit dans notre pays, il y a davantage d’hommes que de femmes, et davantage de jeunes que de personnes d’un certain âge. Les différences entre Suisses et étrangers, en revanche, sont relativement faibles, si l’on tient compte de la structure par âge et par sexe de chacune de ces populations. Si, en outre, on ne considère que la population domiciliée en Suisse (sans les requérants d’asile, les touristes et les étrangers de passage), les différences entre Suisses et étrangers s’effacent presque complètement. »

Les étrangers commettent-ils plus de délits que les Suisses? +

Communiqué de presse n°42/96 de l’OFS, 10 mai 1996:

Les étrangers commettent-ils plus de délits que les Suisses?

Parmi les personnes condamnées pour avoir commis un délit dans notre pays, il y a davantage d’hommes que de femmes, et davantage de jeunes que de personnes d’un certain âge. Les différences entre Suisses et étrangers, en revanche, sont relativement faibles, si l’on tient compte de la structure par âge et par sexe de chacune de ces populations. Si, en outre, on ne considère que la population domiciliée en Suisse (sans les requérants d’asile, les touristes et les étrangers de passage), les différences entre Suisses et étrangers s’effacent presque complètement. Tels sont les résultats d’une étude publiée ces jours-ci par l’Office fédéral de la statistique (OFS).

La statistique des condamnations pénales indique que, en 1991, sur l’ensemble des personnes condamnées pour un délit commis en Suisse, 44% étaient des étrangers. Toutefois, il serait faux de mettre ce chiffre en rapport avec la proportion d’étrangers établis dans notre pays et d’en conclure que la criminalité est plus forte parmi les étrangers que parmi les Suisses. Une partie des étrangers condamnés, en effet, n’appartient pas à la population résidante. L’étude de l’OFS a établi les proportions des différentes catégories d’étrangers à considérer: sur les 44% d’étrangers condamnés, 16% sont domiciliés en Suisse, 7% sont des requérants d’asile, 21% sont des touristes, des voyageurs ou des personnes en situation illégale. Si l’on fait abstraction de la dernière catégorie, la part des étrangers parmi les condamnés se réduit à 29%.

Les délits que les Suisses ne peuvent pas commettre

Bien des étrangers sont condamnés pour des délits que les Suisses sont dans l’impossibilité de commettre. Ce sont en particulier les délits contre la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers. Plus de la moitié des requérants d’asile condamnés (et environ un quart des condamnés étrangers non domiciliés en Suisse) sont coupables uniquement d’infractions à cette loi. Si l’on prend soin de ne considérer que les lois qui concernent les résidents suisses et étrangers aussi bien que les requérants d’asile, la part des étrangers parmi les condamnés se réduit à 26%.

Plus importants que la nationalité: l’âge et le sexe

La fréquence des condamnations varie fortement suivant l’âge et le sexe: 86% des condamnés sont des hommes, 50% sont des jeunes de moins de 30 ans. Or la part des hommes est notablement plus élevée parmi les étrangers résidents (59%), et surtout parmi les requérants d’asile (81%), que dans la population suisse (46%). De plus, l’âge moyen de étrangers établis dans notre pays est plus bas que celui des Suisses. Si l’on prend soin, avant toute comparaison, de répartir les Suisses et les étrangers résidents par âge et par sexe, on voit que la fréquence des condamnations est à peu près la même pour tous. Les jeunes étrangers sont même condamnés un peu moins souvent que les Suisses. La population étrangère apparaît donc conforme à la population suisse et hautement intégrée.

La structure des délits varie suivant le statut des étrangers

L’étude de l’OFS montre donc deux choses: en premier lieu, une partie importante des condamnations enregistrées en Suisse n’est pas le fait de la population résidante. Il est peu probable que cette situation se modifie beaucoup à l’avenir, à une époque où la mobilité des individus ne cesse de s’accroître dans le monde. En second lieu, le facteur «nationalité» ne joue pratiquement aucun rôle dans la criminalité parmi la population résidante. Cela est vrai tant du point de vue de la fréquence que de la structure des délits.

Parmi les Suisses comme parmi les étrangers résidents, les délits les plus fréquents sont les infractions aux règles de la circulation routière (resp. 62% et 65% des condamnés), suivies des délits contre le patrimoine (22% dans les deux groupes).

Il en va différemment pour les requérants d’asile: ici, les délits contre le patrimoine sont notablement plus nombreux (65%) que les infractions aux règles de la circulation routière (16%). Parmi les touristes et les voyageurs étrangers, la part des délits contre le patrimoine est également assez élevée (35%), mais moins élevée que la part des infractions au code de la route (48%).

Les délits contre la vie et l’intégrité corporelle ne représentent, dans les quatre groupes considérés, que 4 à 5% des condamnés. Les différences sont un peu plus marquées pour les infractions à la loi sur les stupéfiants, qui varient entre 10% (requérants d’asile) et 15% (touristes et voyageurs étrangers).

La Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse

La délinquance juvénile n’est pas en reste. La Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse a également pris position face aux amalgames régulièrement. Le site humanrights.ch a dédié une page à la question, dont voici un résumé:

Un rapport de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ), alors présidée par l’ancien conseiller d’État genevois Pierre Maudet, en charge de Département de la Sécurité et de l’économie, s’insurgeait contre « une manipulation des chiffres ».

Dans un entretien au Temps, [Pierre Maudet] confie que «l’UDC annonce une augmentation de la violence chez les jeunes étrangers suspectés d’une infraction contre la vie ou l’intégrité corporelle de 185% entre 1995 et 2005, alors qu’en allant chercher ces chiffres, et même ceux de 2006, auprès de leur source, la police zurichoise, je constate qu’elle est de 152% chez les étrangers… et de 397% chez les jeunes Suisses!».

Un dossier avec le rapport de la CFEJ, l’interview de Pierre Maudet et de criminologues, est proposé sur le site de humanrights.ch. Cliquez ici pour le découvrir.

Autres ressources proposées sur le site humanrights.ch sur la délinquance juvénile:

On est cependant loin du compte pour expliquer cette proportion de 71,5% de prisonniers étrangers qui fait sourciller plus d’un citoyen suisse. A l’instar de Marcelo Aebi, Daniel Fink affirme qu’il faut tenir compte de la composition de la population étrangère et non pas seulement de la catégorie «étranger». «Les Suisses sont en moyenne plus âgés que la population étrangère résidente. Les requérants, les migrants et les illégaux sont plutôt des hommes jeunes.» Et alors? «La criminalité est un phénomène de jeunes: 35 ans en moyenne pour les détenus, mais 21 ans pour le pic de la criminalité. Après, le nombre de personnes commettant des infractions baisse continuellement.» De fait, comme pour les sportifs, la délinquance – qui est une activité physique, surtout lorsqu’elle implique de la violence – demande de la résistance, une résistance qui n’est pas la même à 20 ans qu’à 50 ans. «On devrait en général comparer les hommes selon les classes d’âge, c’est-à-dire comparer ce qui peut l’être. Il faut également comparer les étrangers qui sont en prison et qui habitent sur le sol helvétique avec les étrangers qui vivent en Suisse.»

« Étrangers dans les prisons suisses, pourquoi ils sont si nombreux », Allez Savoir !, 31 janvier 2019

Amalgames entre nationalité et criminalité décryptés

Ressources documentaires

Voir aussi:

Council of Europe Annual Penal Statistics: created by the Council of Europe, the SPACE I project exists since 1983. Its goal is to present comparable data on the populations of penal institutions within all the Member States of the Council of Europe.