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Préjugés

Oisiveté? Accès au marché de l’emploi

Emploi & asile: quelques chiffres… et leur interprétation

Au 31 décembre 2022, l’effectif des personnes relevant du domaine de l’asile en Suisse était de 141  554. Parmi ces personnes :

  • 3% des demandeur·se·s d’asile exerçaient une activité lucrative (permis N) ;
  • Le taux de personnes admises à titre provisoire (réfugiés inclus, permis F et permis F réfugié) actives était de 47,4% ;
  •  Quant aux réfugié·e·s reconnu·e·s (permis B réfugié), 41,4% exerçaient une activité lucrative.

14% des titulaires du statut S, protection temporaire collective octroyée aux réfugié·es d’Ukraine depuis mars 2022, étaient en activité à fin 2022. Ils et elles ont bénéficié de mesures extraordinaires visant à les faire accéder le plus rapidement possible au marché de l’emploi.
-> Insertion professionnelle des permis S | Une communication discriminante et sans fondement

De manière générale, les hommes sont plus nombreux que les femmes à exercer une activité lucrative (3,3% d’hommes contre 2,2% de femmes avec un permis N; 56,5% vs 33% des personnes avec un permis F et 55% vs 27,4% des réfugié·es reconnu·es avec un permis B).

Les statistiques relatives à l’activité lucrative sont publiées chaque mois par le Secrétariat d’État aux migrations : voir statistiques en matière d’asile sur la page du SEM.

Disparités cantonales

Ces chiffres ne montrent toutefois pas les importantes disparités cantonales.

A titre d’exemple, en 2022, le taux d’activité des demandeur·ses d’asile varie de 0% à 14% et celui des personnes admises provisoirement de 27% à 60% selon les cantons .

Ces disparités s’expliquent notamment par des cadres d’accès au marché du travail différents. Une récente étude montre en effet que les cantons avec un marché du travail ouvert (c’est-à-dire avec des processus rapides et peu contraignants) parviennent à employer plus de personnes que les autres. Une étude du SFM suggère également que les cantons économiquement prospères adopteraient une politique d’intégration moins inclusive que les cantons économiques plus faibles. En vue de ces inégalités structurelles, il serait dès lors bon d’introduire de la souplesse : pour pouvoir changer de canton en fonction des langues parlées, mais aussi en fonction des qualifications et des compétences professionnelles de chacun·e.

De manière générale, les cantons utiliseraient aussi de façon différente la marge de manœuvre qui leur est laissée par la législation suisse en la matière. L’article « Pas tous égaux devant le droit de travailler » souligne qu’il existe en Suisse une préférence nationale à l’embauche stipulant qu’il faut donner la priorité à des personnes venant de Suisse ou d’un pays membre de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange. Et si cela est pris à la lettre par les cantons, il devient presque impossible pour un·e requérant·e de trouver un travail.

D’autres éléments peuvent entraver l’insertion professionnelle des personnes relevant du domaine de l’asile :

  • Les cantons peuvent prolonger l’interdiction de travail initiale de trois mois supplémentaires (permis N) ;
  • Des embûches indirectes, comme de longs délais pour l’octroi d’une autorisation de travail, des autorisations valables uniquement dans certaines branches ou encore des retenues salariales contractuelles sont aussi des moyens de rendre l’accès au marché du travail plus difficile (permis N) ;
  • L’aide sociale et les conditions de vie qui en découlent constitueraient un frein à l’employabilité (voir ci-dessus) ;
  • La structure du marché de l’emploi locale n’est pas à négliger non plus, comme l’illustre l’exemple du canton de Genèveoù le secteur tertiaire très développé ne facilite pas la tâche aux personnes réfugiées : soit elles sont trop formées et ne correspondent pas à la demande, soit elles l’ont été dans leur pays d’origine, mais leurs diplômes ne sont pas reconnus dans l’immédiat.

Enfin, il convient de mentionner que les statistiques en termes d’intégration professionnelle ne suffiraient pas toujours à se faire une idée claire de la situation. Ainsi, avec une politique de permis d’établissement très active, le canton de Genève octroierait des permis B à nombre de personnes admise provisoirement en emploi. Ces dernières sortiraient ainsi des statistiques d’employabilité et feraient baisser le taux d’insertion (voir « Genève trop concurrentiel pour réussir l’intégration des réfugiés » sur 20min.ch).

Références +