Tromperie? Le besoin de protection
Statistiques: les calculs du besoin de protection
Qu’est-ce que la « reconnaissance du besoin de protection » et comment parvenons-nous à un résultat aussi différent de celui du Secrétariat d’Etat aux migrations ?
Ci-dessous un graphique présentant la répartition des décisions pour l’année en cours à partir des données du SEM.
Comment Vivre Ensemble mesure le besoin de protection
Les décisions NEM écartées du calcul
Vivre Ensemble, comme d’autres organisations, calcule le taux de reconnaissance du besoin de protection en écartant du calcul les dossiers pour lesquels la procédure d’asile ne sera pas menée en Suisse, car une décision de non-entrée en matière (NEM) a été prononcée. Dans la majorité des cas, il s’agit de décisions NEM Dublin. Celles-ci signifient que la procédure de détermination du statut de réfugié doit être menée par un autre Etat en vertu du Règlement Dublin. Autrement dit, une décision NEM Dublin est une mesure administrative qui ne s’intéresse ni à l’histoire ni aux motifs de fuite de la personne qui en est l’objet.
Prenons le cas d’un Syrien arrivé en Suisse après avoir été enregistré en Italie. Si l’Italie accepte de le reprendre et d’examiner ses motifs d’asile, la décision «positive» ou «négative» sur l’asile doit uniquement apparaître dans les statistiques italiennes. Les normes européennes d’Eurostat ont été modifiées dans ce sens en 2014 (voir ci-dessous). Or, la Suisse inclut les décisions NEM et NEM Dublin dans son calcul du taux de protection et de reconnaissance, masquant ainsi le fait que le transfert Dublin de ce requérant d’asile syrien pourra aboutir à une reconnaissance du statut de réfugié ou à une protection subsidiaire en Italie ultérieurement. Un calcul qui gonfle artificiellement le taux de décisions négatives et laisse mensongèrement croire que les personnes demandant l’asile n’ont pas de motifs d’asile. Dans les cas dits « Dublin », il s’agit en premier lieu de Syriens, d’Afghans, d’Erythréens.
Pour en savoir plus sur les décisions de non-entrée en matière, cliquez ici.
L’admission provisoire est une protection
L’admission provisoire est une protection offerte aux personnes qui n’obtiennent pas le statut de réfugié, mais dont le renvoi est «illicite» (lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international), «inexigible» (lorsque le renvoi met l’étranger concerné concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale), ou «impossible» (empêchements d’ordre technique).
Or, techniquement, l’admission provisoire est prononcée après une décision de rejet d’asile et une décision de renvoi. Elle est comptabilisée dans les décisions négatives par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). En 2016, le SEM a enfin amorcé un changement de discours à l’égard des permis F, proposant désormais un « taux de protection » additionnant les admissions provisoires et les « octrois de l’asile ». Mais dans de nombreuse communications, cette catégorie reste présentée comme décision négative.
Pour en savoir plus sur les admissions provisoires, cliquez ici.
Comment le SEM communique ses décisions
Le SEM présente généralement un taux de reconnaissance qui correspond au nombre d’octrois de l’asile (permis B ou C réfugié) par rapport au nombre total de cas réglés en première instance, y compris les décisions de non-entrée en matière: octrois + rejet + admissions provisoire + NEM.
Les décisions de NEM réduisent la part de décisions positives
Le graphique ci-dessous illustre la façon dont le SEM calcule le taux de reconnaissance. L’inclusion des décisions de NEM réduit la part de décisions positives. Cette représentation est extraite du rapport annuel sur la statistique en matière d’asile.
L’admission provisoire est comptée dans les décisions négatives
Jusqu’en 2015, seul le taux de reconnaissance était énoncé par les autorités. Il figure encore dans diverses présentations statistiques comme celui ci-dessus. Les admissions provisoires y sont considérées comme des décisions négatives (catégorie administrative =» rejet avec AP » ou « NEM avec AP »).
En janvier 2016, le SEM a introduit à ses tableaux statistiques un taux de protection. Celui-ci inclut les admissions provisoires aux octrois d’asile. L’image donne alors une autre représentation, avec un taux de protection bien plus élevé que celui présenté jusqu’alors par la statistique fédérale.
Données 2023
Pour 2023, le SEM parle d’un taux de reconnaissance de 25,7% et d’un taux de protection de 54,4%.
Eurostat écarte les décisions NEM Dublin
A noter que le HCR comme l’agence européenne des statistiques Eurostat et l’OSAR écartent également du calcul des cas réglés les demandes d’asile tombant sous le coup du règlement Dublin et en intégrant les admissions provisoires dans la colonne des « protections subsidiaires » ou humanitaires, considérées comme des décisions positives:
« Depuis l’année de référence 2014, des demandes d’asile refusées sur la base du fait qu’un autre État membre de l’UE avait accepté la responsabilité d’examiner ces demandes au titre du règlement de Dublin ne sont pas incluses dans les données relatives aux décisions négatives. Aussi le nombre de refus a-t-il été réduit. En conséquence, on estime que la proportion de décisions positives dans le nombre total de décisions rendues en première instance a augmenté de quelque 5 points de pourcentage » (Eurostat, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics/fr)
Voir à ce propos: Sophie Malka, « Statistiques: La majorité sont des réfugiés. On vous l’avait bien dit! », Vivre Ensemble, n°153, juin 2015.
A propos du calcul du besoin de protection, retrouvez également nos pages statistiques proposant de nombreuses infographies et analyses, notamment sur l’évolution de ce taux de protection.