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Préjugés

Libre choix? Motifs de fuite et statuts

Le parcours migratoire

Si la situation prévalant dans les pays d’origine des réfugiés est essentielle à la protection qu’ils pourront obtenir en Suisse, leur parcours migratoire pèse également très lourd. Risques et dangers (violences sexuelles, physiques, travail forcé, manque d’accès aux soins, kidnapping, traite humaine…) surviennent tout au long du périple qui les mènera jusqu’en Europe, et parfois en Suisse. De nombreuses voies s’élèvent pour que ces dangers soient également pris en compte dans l’examen du besoin de protection.

Externalisation des frontières

Les obstacles à l’entrée en Europe sont sans cesse renforcés par les États, notamment européens. Leur désir d’empêcher l’accès à leur territoire rendent les routes de l’exil toujours plus périlleuses.

Accords migratoires: pactiser avec le diable?

Outre le renforcement de leurs propres frontières physiques, les pays de l’Union européenne et la Suisse multiplient les accords avec des pays extra-européens ou situés à la frontière de l’espace Schengen afin qu’ils empêchent l’arrivée de personnes migrantes. Turquie, Libye, Niger, Maroc sont ainsi chargés de jouer les garde-frontières, moyennant formations, matériels coûteux et sommes conséquentes notamment. C’est ce que l’on appelle l’externalisation des politiques migratoires. Cette politique d’externalisation est critiquée du fait que:

  • ces pays sont susceptibles de violer les droits fondamentaux des personnes migrantes, et notamment le principe de non-refoulement.
  • d’une absence de contrôle « européen » sur les pratiques de ces États (les pratiques des garde-frontières libyens et des centres de détention hautement problématiques, liés à des réseaux criminels ont fait l’objet de nombreux rapports)
  • du levier politique donné à ces États qui n’hésitent pas à instrumentaliser les personnes migrantes à des fins stratégiques ou politiques (la Libye et la Turquie menaçant l’Europe d’envoyer des milliers de personnes)

Frontex: une agence européenne des frontières peu scrupuleuse du respect des droits fondamentaux.

Les moyens exponentiels octroyés depuis plus de dix ans à l’agence des frontières européennes Frontex contribuent également à un accès rendu plus difficile à une protection en Europe des personnes en fuite. En 2020 et 2021, des procédures pour participation de Frontex à des refoulements illégaux et violation des droits fondamentaux ont abouti devant les instances européennes. A noter que Frontex est financé par des fonds européens et suisses. La responsabilité d’un contrôle démocratique par les pays membres de cette agence est entière.

Lorsque certaines routes se ferment, les personnes en fuite empruntent des chemins plus périlleux encore ou sont bloqués par des États peu regardants avec le respect des droits des personnes. On a pu voir des Syrien·nes passer par la Libye pour tenter la traversée de la Méditerranée, lorsque la « Route des Balkans » a été fermée. Des personnes chercher à rejoindre l’Espagne sur de précaires embarcations pour rejoindre les Canaries, etc.

Le système de Dublin et des pays dits « sûrs »

Une fois en Europe, les demandeurs d’asile se heurtent à un autre obstacle : le système Dublin. Celui-ci prévoit qu’un seul État est responsable d’examiner la demande d’asile des ressortissant·es d’un État tiers (non-membre de Dublin). Et concrètement, c’est l’État dans lequel ils ou elles poseront le pied pour la première fois qui sera désigné comme tel. On comprend ici que ce sont souvent les pays frontières de l’espace Schengen-Dublin qui sont en première ligne (Grèce, Italie, Bulgarie, Malte, Espagne).

Sauf si d’autres critères s’y opposent (voir Dublin, comment ça marche?), les personnes y sont transférées. Leur procédure d’asile, à savoir le statut – donc la protection – qu’ils pourront obtenir dépendra donc du pays d’entrée en Europe et de sa politique à l’égard des personnes réfugiées. Un enjeu déterminant, voire parfois vital, vu que les procédures ne sont pas harmonisées au sein de l’espace Schengen-Dublin.

Outre, la procédure d’examen du besoin de protection, les conditions de vie dans certains États membres de l’Union européenne sont aussi susceptibles d’entraîner des violations des droits humains. Que ce soit en raison d’une politique volontairement hostiles aux réfugié·es ou par négligence, les hommes, femmes et enfants peuvent se retrouver les cibles de bandes mafieuses, de la prostitution, d’attaques racistes ou se retrouver dans le dénuement le plus total.

La Grèce, l’Italie, la Hongrie, la Bulgarie font régulièrement l’objet de recours lors de décisions Dublin, en raison des conditions réservées par les autorités de ces pays, en terme de procédure d’asile ou de conditions de vie.

Le SEM écarte régulièrement les demandes d’asile au nom des accords de Dublin, en se souciant peu des conditions prévalant dans les pays vers lesquels elle prononce ces renvois (Italie, France, Bulgarie, Croatie, etc.) ou de la santé physique et psychique dans laquelle se trouvent les requérants d’asile au terme de leur parcours migratoire. Alors qu’elles peuvent en tout temps se déclarer responsable d’examiner les demandes d’asile, notamment pour des motifs humanitaires. Des recours au TAF ainsi que devant les instances internationales permettent de faire changer la pratique. Ainsi, des jugements ont conduit les autorités suisses à devoir s’assurer auprès de l’État d’accueil de la prise en charge effective des familles avec enfants, ou amené à purement suspendre des renvois en cas de défaillances systémiques dans la procédure d’asile, pouvant conduire à des renvois en chaîne vers des pays où les personnes risquaient torture ou traitements inhumains et dégradants. Mais de nombreux transferts sont effectués avant que la justice n’infléchisse la pratique.

Lire également

Accords de Dublin: la banalisation d’une tragédie“, Vivre Ensemble, hors-série #2, avril 2013

Les « pays sûrs »

Une liste de « pays sûrs » (safe countries) est établie et régulièrement mise à jour par les pays européens, dont la Suisse. Chaque pays établit sa propre liste.

En Suisse, c’est le Conseil fédéral (art. 6a, al. 2 de la Loi sur l’asile) qui peut désigner les Etats d’origine ou de provenance sûrs (dans lesquels il estime que le requérant est à l’abri de toute persécution) ainsi que les Etats tiers sûrs (ceux dans lesquels il estime qu’il y a effectivement respect de non refoulement* au sens de l’art. 5, al. 1).

En principe, la Suisse prononce une non-entrée en matière (NEM*) sur les demandes d’asile des personnes provenant de ces Etats, à moins qu’il n’existe des indices de persécution. La dernière liste des pays considérés « sûrs » par la Suisse a été modifiée par le Conseil fédéral en juin 2014. Vous pouvez la consulter en cliquant ici ou sur l’image ci-dessous.

Lors de sa séance du 8 décembre 2006, le Conseil fédéral a  approuvé la modification des critères relatifs à la désignation des « safe countries »: «Il est ainsi désormais possible de désigner, au sein même d’un Etat sûr, des régions dans lesquelles la présomption d’absence de persécutions n’est pas applicable». C’est-à-dire: même si les normes en matière de respect des droits de l’homme n’étant pas garanties sur l’ensemble de leur territoire. C’est ce qui a permis à la Moldavie d’être comprise dans la liste, malgré la situation préoccupante des droits humains en Transnistrie.

(source: humanrights.ch, 27.03.2009).