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Préjugés

Oisiveté? Accès au marché de l’emploi

Quel droit au travail?

S’agissant des conditions d’accès au marché du travail des personnes relevant de l’asile, le droit fédéral fait la distinction entre celles dont la procédure d’asile est en cours (requérant·es d’asile avec permis N) et celles qui sont d’ores et déjà au bénéfice d’une décision les autorisant à rester en Suisse (réfugié·es reconnus avec permis B réfugié, réfugié·es admis à titre provisoire avec permis F réfugié, et personnes admises à titre provisoire avec permis F). 

Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) détaille ces conditions sur son site. Voir aussi la page dédiée à cette question sur le site du Secrétariat d’État à l’économie.

Requérant·es d’asile (permis N)

De manière générale, l’activité lucrative des demandeur·ses d’asile (permis N) est soumise à autorisation, qui doit être requise auprès de l’autorité cantonale compétente. Le SEM distingue ensuite deux périodes. (a) Pendant son séjour dans un centre d’hébergement de la Confédération (max. 140 jours), le ou la requérant·e n’a pas le droit d’exercer d’activité lucrative. (b) Après leur attribution à un canton, une autorisation d’exercer une activité lucrative peut être octroyée aux requérant·es d’asile lors de sa prise d’emploi, pour autant que la conjoncture économique et la situation sur le marché du travail du canton le permettent ; il importe également que les conditions de rémunération et de travail soient respectées, tout comme le principe de la priorité aux travailleur·ses suisses ou résident·es.

Ces conditions limitent ainsi l’accès au marché de l’emploi des requérant·es d’asile, les reléguant ainsi, pour la grande majorité, à certaines branches économiques et à des emplois sous-qualifiés. Les nombreuses démarches administratives à effectuer par les employeurs et l’incertitude quant à l’issue de leur demande d’asile compliquent en outre leur engagement, plus encore pour un emploi à durée indéterminée.

Personnes admises provisoirement (permis F)

Quant aux personnes admises à titre provisoire (permis F), elles étaient soumises aux mêmes restrictions jusqu’en 2007 (priorité aux travailleur·ses résident·es, conjoncture économique). Depuis, leur accès au marché du travail n’est plus limité. Depuis le 1er janvier 2019, l’exercice d’une activité lucrative pour ces catégories de personnes fait l’objet d’une simple annonce aux autorités cantonales par l’employeur. Cela, afin de réduire les obstacles à l’embauche et ainsi favoriser leur intégration rapide sur le marché du travail. En outre, depuis le 26 août 2020, elles peuvent désormais travailler dans un autre canton que leur canton d’attribution. Ces conditions rejoignent celles réservées aux réfugié·es statutaires.

La durée des procédures et le statut apparemment « provisoire » des titulaires du permis F entravent toutefois leur accès au marché du travail. Ils conduisent également à une déqualification et à une perte de compétences. Celles-ci s’ajoutent aux difficultés ordinaires des personnes étrangères à trouver un travail dans leur domaine. (Voir ci-dessous pour plus de détails au sujet de ces obstacles.)

Interdiction d’accès au marché de l’emploi pour les personnes déboutées

Les personnes déboutées de leur demande d’asile n’ont pas ou plus le droit de travailler. Elles peuvent demander l’aide d’urgence, qui garantit, selon l’art. 12 de la Constitution fédérale, « une existence conforme à la dignité ».

Or, le Tribunal fédéral (TF) a décrété que lorsque la mise à l’aide d’urgence de manière durable, couplée à une interdiction d’exercer une activité, entraîne une détresse pouvant détériorer la santé psychique de la personne concernée, l’interdiction de travail doit être révoquée (arrêt 2C_459/2011 du 26 avril 2012 ; lire aussi : « L’interdiction de travail aux déboutés n’est pas indéfinie tranche le Tribunal fédéral », sur asile.ch).  Selon le TF, celle-ci violerait l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Elle ne doit être accordée que si le renvoi de la personne ne peut être effectué à court terme et après avoir considéré d’autres mesures, telles que l’octroi d’une admission provisoire ou la reconnaissance d’un cas de rigueur. 

Une telle dérogation à l’interdiction de travail n’est dans les faits qu’exceptionnelle.

Et l’accès à l’apprentissage?

L’accès à l’apprentissage est régi par les mêmes critères que l’accès à l’emploi. Une réglementation qui exclut donc certains jeunes d’un libre accès à une formation professionnelle certifiante en raison de leur statut. Par exemple, pour les titulaires d’un permis N, la priorité est donnée aux travailleur·ses indigènes. Quant aux personnes déboutées de leur demande d’asile, elles ne reçoivent pas l’autorisation de travail nécessaire à un apprentissage dual ou la perdent au moment de la décision négative, ce qui les force à interrompre leur formation. (Voir aussi le numéro 181 de la revue Vivre Ensemble, février 2021, consacré à cette thématique).   

Cadre juridique international

La Convention sur les réfugiés de 1951 et ses protocoles de 1967 ratifiés par 147 pays déclarent que les réfugié·es sont des personnes autonomes ayant droit à des droits et à la dignité dans l’exil. Les droits des personnes réfugiées liés au travail, y compris le droit d’obtenir un travail rémunéré et d’êtres indépendants, sont explicités dans le chapitre III de la Convention sur les réfugiés :

« Les États Contractants accorderont à tout réfugié résidant régulièrement sur leur territoire le traitement le plus favorable accordé, dans les mêmes circonstances, aux ressortissants d’un pays étranger en ce qui concerne l’exercice d’une activité profes­sionnelle salariée. » (art. 17, al. 1)

Malgré l’inscription de ces droits dans la Convention sur les réfugiés, l’association Asylum Access, dans le « Global Refugee Work Rights Report » de 2014, constate que, en pratique, les efforts des différents États à faire respecter le droit à un travail sont limités et que de nombreuses personnes réfugiées dans le monde, reconnues comme telles ou pas, voient leur droit au travail entravé pour au moins une génération. Le constat est le même dans l’étude menée en 2016 par le KNOMAD, intitulée « Refugees’ Right to Work and Access to Labor Markets » (en deux parties). Les auteur·es soulignent notamment la prévalence d’une approche restrictive du droit au travail et constatent que la plupart des États sont peu enclins à assouplir ces restrictions. La majorité des personnes réfugiées travaillent ainsi dans le secteur informel, dans des conditions beaucoup moins satisfaisantes et plus exploitantes que les nationaux. Sur la base de ses résultats, l’étude conclut en émettant plusieurs recommandations : la nécessité d’une plus grande coordination nationale et internationale ; la responsabilité de fournir un travail décent devrait être partagée entre de multiples acteurs·trices ; les politiques du marché du travail, ainsi que la formation et l’éducation devraient être exploitées pour soutenir des moyens de subsistance durables ; le capital social des réfugié·es devrait être plus efficacement engagé.