«Je suis en Suisse depuis 8 ans et demi maintenant, toujours sans rien, sans statut et sans perspectives. J’ai quitté mon pays il y a 17 ans, quand j’avais 15 ans, et je ne pourrai plus jamais y retourner. Je suis une étrangère là-bas, à cause d’une guerre d’indépendance, et je n’ai plus aucune famille. Depuis, j’ai traversé différents pays, le Soudan, le Liban, la Libye, en Grèce, en Italie. Partout j’ai essayé de travailler et de reconstruire ma vie, mais j’ai été chassée et je ne trouvais pas de conditions pour assurer ma survie. Souvent même, et surtout, je n’étais pas en sécurité en tant que jeune femme seule et sans soutien de famille. En Suisse j’ai reçu une décision négative parce que l’autorité ne reconnaît pas que nous sommes érythréens. Mais nous n’avons aucun moyen de le prouver. L’Éthiopie refuse de nous délivrer des documents, car nous ne sommes pas leurs nationaux, et l’Érythrée de même parce nous n’avons pratiquement pas vécu là-bas. Moi, je n’y suis même jamais allée et je ne connais personne sur place. Mes parents sont morts avant même que je quitte le pays. Je n’ai jamais connu ma mère et j’avais 7 ans quand j’ai perdu mon père. J’ai été élevée par une tante avec qui j’ai fui au Soudan. Je ne sais pas où elle est maintenant, j’ai perdu son contact depuis plusieurs années. Tout ce que j’ai encore comme famille est avec moi : ce sont mon mari et nos deux enfants.